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Après la pluie
Promenade après la pluie
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Tandis qu’au loin la Belle entretient espoir et courage
en des lieux immaculés sur lesquels veille la mer,
ici l’aube cueille sa lumière aux feuilles des lauriers
comme le soleil d’été moissonne son éclat sur les blés…
C’est la terre de chez moi – que protège, maternelle,
l’ombre svelte des pins obscurs en lesquels règnent
le roitelet qui se balance la tête à l’envers, l’écureuil
intrépide qui d’arbre en arbre fuse à travers le vide,
vif rouquin ébouriffé dont des volées de tourterelles
s’effarouchent, vite réfugiées sur l’arête de tuileaux
d’une villa voisine. Je suis parti en promenade le long
du chemin. Il déclinait ses oliviers jusqu’au carrefour.
Les survivances des pluies le trouaient d’illusoires
traînées de ciel cru ; lavée, la loupe de cristal de l’air
détaillait jusqu’aux moindres aspérités du paysage…
Je rêve d’y voir aussi clair dans l’avenir qui nous attend.
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Crépuscule de décembre 2019
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Dans l’éclairage de ce pâle soleil
couchant d’hiver ton ombre est celle d’un géant
alors que tu n’es qu’un homme ordinaire
Une forêt de perspectives zèbre de bleu sombre
les vastités imparcourue des neiges
L’odeur prochaine du froid nocturne embue
ton souffle et cependant tu voudrais te persuader
que tu respires le parfum d’un champ de lis
qu’à force d’écume et d’iode tente d’imiter
la mer où miroite doucement le sel rouge des Origines
C’est que l’amour est au sein de l’amour
comme un noyau de lumière dans l’aurore :
de même que dans l’intimité d’une iconostase le jour
tombe des vitraux pour élire les faces pures des Saints
de même le sourire énigmatique de son masque d’or
illumine en nous les visages dont nous sommes épris...
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« Ponchito de colores »
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Grâce à un air obstiné de mandoline péruvien
sur lequel s’appuyaient quelques notes d’un roseau rauque
j’ai pu me façonner une issue et je suis sorti hors du temps
La pluie dehors a continué à sangloter mais je doute que ce soit
mon absence qu’elle pleurait Quel humain existe suffisamment
pour que les éléments s’aperçoivent de sa disparition ?
J’ai marché par les chemins de mon Eldorado personnel
Vallées vertes et profondes, montagnes hautes enneigées
Animaux qui semblaient sortis d’un bestiaire fabuleux
Chameauléons et camélimadaires, aracimiens, aigles chauves
dont l’envergure en rythme étreignait puis relâchait l’azur
au-dessus des canopées de sylves moutonnant à l’infini
Là-bas vivent des peuples bariolés aux jolis enfants enjoués
Je me promène parmi eux comme si j’étais davantage
qu’un fantôme intemporel qu’ils ne peuvent soupçonner
La pluie a cessé laissant une géographie de flaques brillantes
Mandoline et flûtes se sont tues - alors je me suis résigné
et j’ai renfilé mon vieux poncho tissé d’heures de solitude...
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Journée de pluie battante à Opio
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Bruyamment la pluie
étrille les toits La télévision
a prévu un “épisode méditerranéen”
Il n'est que six heures comme l'affirment
luisantes dans le noir quelques diodes
d'appareils électroniques
C'est encore la nuit ici alors qu'il faut
imaginer le fourmillant plein jour
sur d'autres continents avec d’innombrables
activités humaines certaines admirables
ou simplement touchantes humbles justes
nécessaires -- mais d'autres ignobles
fourbes féroces cruelles sanglantes outrées
indignes de l'éthique entre frères humains
Tout un tissu planétaire d’actions entremêlées
inextricablement au point que souvent
du mal s'engendre un bien et inversement
selon aucune règle sinon l'effet du hasard
Tandis qu’ici la maison dort au milieu des arbres
comme une île de silence au-milieu
du bruissement ininterrompu de la drache
(obsédante comme l’image d’une aube d’été
dont la blondeur auréole telle fille du Nord
que de nobles devoirs retiennent loin de moi)
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Persistance de la Beauté
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Quelque deuil qui t’ait frappé
(Un rocher tombant de la falaise
écrasant les écumes et les nacres
vaguement surréelles de tes pensées)
autour de toi ce qui existe n’a pas renoncé
à sa splendeur Les calanques chantournées
exhibent leurs abstractions de corail
Les pins acrobates à flanc de roche
se contorsionnent pour enseigner à nos regards
de verts étages de vertige On voit refleurir
sous la gelée des buisson de roses de Noël
qui rassurent les poètes quant à leur folie
Du lointain nostalgique qui tremblait
au fond du regard limpide des amantes
une lueur de joie se rapproche, grandit
et s’incurve en un sourire blanc et pourpre
pareil à telle aube inéluctable sur les eaux
dont nulle nuit désespérée n’a pu venir à bout
même en truffant la noire quiétude
en laquelle se sont réfugiés nos coeurs endormis
d’une silencieuse mitraille d’étoiles
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Misérable stratégie
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Dents d’ivoire mes pensées fleurs carnivores
s’ouvrent la nuit et dévorent la substance la plus douce
de mes songes : ceux où jeune – moineau peut-être
ou cacatoès selon le surnom dont il me revient
que m’affublait un défunt oncle –
j’apporte mille dénouements magiques
à des scénarios que le sadisme assumé du cauchemar
s’efforçait de transformer en impasses
J’ai désormais bien conscience de n’être plus
un perdreau de l’année (comme ils disent)
Il s’ensuit qu’aujourd’hui ne me reste qu’une seule
issue : le réveil qui me rend à ce monde
– à peine moins féroce moins piégeur
moins truffé de subterfuges –
que l’on appelle sommairement Réalité
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