• Cinq poèmes de survivance (A)

    1.

    Deshérence joyeuse

    .

    Que devenir lorsque l’on n’a plus rien,

    sans avoir encore perdu la vie ?

    Lorsqu’on n’a plus envie d’être lu

    et qu’on sent qu’en nous lisant chacun s’ennuie ?

    .

    Combien j’aimais les fleurs de mes arbres au printemps

    leurs parfums roses et leur fraîcheur de vent

    Personne ne veut plus les féconder Tous mes beaux

    insectes vibrants et transparents sont décédés

    .

    Je ne veux plus revenir où le langage m’offrait un refuge

    Où m’abritaient des arbres qui chantaient des psaumes

    pour les oiseaux que le ciel seul savait retenir

    Rien de ce monde ne me touche plus Je suis de pierre

     

     

    2.

    Le vase et la flûte

    .

    Savoir enfin librement évoquer la mort

    ce soulagement après la maladie de vivre

    Ce creux néant musicien qui gagne tôt ou tard

    et fait lugubre entendre le Manchay-Puitoo

    La flauta sublime de una voz entraña

    que llena el corazón de amarga pena…

    .

    Mais qu’importe ce n’était que la voix du vent

    La voix des airs de mer dans une conque

    Tout au fond de l’infini qui bat comme un coeur

    et qui pourtant n’a pas de coeur L’infini

    hors du temps Hors de toute pensée et même,

    je crois bien, hors d’être, au sens où nous l’entendons…

     

     

    3.

    La buse désabusée

    .

    Parlerai-je encore de mes rêves

    quand les choses qui composaient

    mon monde autour de moi s’effondrent

    Quand les êtres les plus admirables

    s’éteignent ainsi que des chandelles

    qu’un coup de vent par l’embrasure mouche…

    .

    Ce qui est perdu dans les replis du sable

    par les ondes désertiques du passé – on le sait ! -

    ne revient j a m a i s quels que soient les artifices

    auxquels se livre la mémoire aux jeux pervers

    Ne me demandez pas davantage que d’aimer

    l’illumination ténébreuse de la Nuit-sans-retour

     

    .

     

    4.

    Sans foi ni lieu

    .

    Ce serait comme un psaume l’après-midi

    sous la rose diaprée du vitrail ensoleillé

    Un dies irae sans Deus mais avec favilla

    Un peu de lait répandu sur les cendres

    .

    Une flambée par la lucarne du four

    et whouff on peut faire demi-tour

    Désormais il ne se passera plus rien

    Après une longue et douloureuse résistance

    .

    La douzième sonnera puis la treizième

    Une poignée de pigeons survolera les ormes

    Qu’on me disperse au vent a demandé

    gravement celui qui ne veut pas de lieu

     

    .

    3 juillet 2010

     

     

    5.

    Du feu au feu

    .

    Il n’est rien qu’on puisse dire ou faire

    pour calmer les sanglots longs des violons

    de l’automne le soufre monte dans les feuilles

    Il les teint lentement de l’or indicible du diable

    qui tourne à l’écarlate puis au feu sous la stèle

    un jour ou l’autre habitée d’un silence d’ossuaire

     

     

    .

     

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