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Heures incertaines...
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Heures incertaines
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Reflets huileux des lampes
dans les vitres noires
La pièce vide avec quatre orchidées
sur la table ronde t’observe
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S’il se trouve que les murs pensent
ils sont assombris de solitude
Tu croirais les entendre meugler
de l’autre côté du silence
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En quête d’un introuvable centre
une mouche noire tourne
dont le murmure obsédant comme
un souvenir perturbe tes pensées
Au clair de la lune
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Le temps et le chagrin en toi
Dégradent tes capacités de scribe
Érodent ton aptitude à docilement
Librement précisément épouser
Ce qui t’est dicté par le mystère
Quiconque à l'occasion te lirait
S'en rendrait compte aussitôt
Et il te conseillerait de cesser
Un aussi vain exercice puisque
L’ange ne veut plus te prêter sa plume
Que la lumière en toi vacille et que d'ici
Peu tu afficheras la pâleur de cire
propre à la chandelle de l’ami Pierrot !
WDS J08165 + 0911A
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Petite étoile pâlichonne
Tremblotante mésange des frondaisons
Noires du firmament
À qui porterais-tu message
Personne là-haut pour décoder
Le morse clignotant du SOS
Que tu lances dans toutes les dimensions
Du vide intergalactique
Pas davantage d’âmes que pour déchiffrer
L'humide nuage du poème
Poli et repoli par la salive
Acide citron et soleil de celui
Auquel sa naissance par un cordon
occulte t'avait reliée
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Ablutions...
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Dans le miroir cette vieille tortue
Muette qui me renvoie mon regard
Et symétrise tous mes gestes c'est
Le moi de l'autre monde celui qui
Ne recèle rien qu’apparences et fictions
Il ne sent pas que l'eau mal essuyée
De ma douche dégouline dans mon dos
Ni l'odeur de l'air humide Il ne me
Ressemble que parce qu'il se tait
Parce qu'il sait qu'il doit se résigner
À une longue absence - ainsi qu'au
Sourire d'une vieille vie manquerait
Irrémédiablement une incisive !
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Microfleurette
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Cette petite fleur de tussilage avait poussé
entre deux dalles de la terrasse mais hélas
je n’avais pas fait très attention à cet infime
message prémonitoire Elle rayonne pourtant
comme un minuscule soleil des profondeurs
La tête d’épingle d’un espoir métaphysique
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Pensées pour la suite
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Ne cherche pas mon coeur en ce monde l'image de l'Enfant disparu. En toi elle survit. Et, distribuée, diverse, en toutes les mémoires aimantes.
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Les êtres qu'on a intensément aimés se sont intégrés à notre être au cours des années. Nous aurions été autres sans eux. Nous sommes ainsi, nous humains.
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Aussi justifiées que soient peines et douleurs, aussi légitimes deuils et chagrins, ce ne sont pas des émotions positives. Il faut barrer l'entrée de notre esprit à ces ersatz de la mort.
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La jument dont le poulain est mort ne reconnaît pas sa dépouille. C'est pour la même raison que je ne cherche plus à revoir dépersonnalisée par l’inertie, la personne naguère aimée vivante et agissante.
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Il n'y a pas de culpabilité dans le fait de survivre à un être cher. Quel qu'ait été son destin, notre implication ou non dans la tragédie, personne n'est assez puissant pour infléchir le sort.
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Dimanche 11 août
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Une aube décolorée et sans vent…
La nuit n’a pas eu le temps de la farder
en aurore rouge, bleue et or
comme si l’habituel mariage exotique
cette fois ne pouvait pas se faire
et qu’il n’en reste que les tuniques
des brumes couleur de lin
et au-delà les torches fuligineuses
d’on ne sait quelle funèbre procession
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Rien de plus
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Ce qui est le plus rude à affronter
dans l’existence pour l’humanité
c’est incontestablement le « sans-retour »
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L’aube luisante comme dégainée
au-dessus de nos têtes l’épée
de l’Irrémédiable
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Et la pulsion brûlante du coeur
qui déborde de nos regards
avec le goût de sel de Notre Mer
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« Ce qui n’en finit pas »
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À sa toujours même place le laurier
attend la lumière promise
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Quelques moustiques mal-intentionnés
tournent dans l’air attendant leurs victimes
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Le monde désoeuvré, déserté ce dimanche
de tout son silence déplore une absence
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Odelette à l’astre du jour
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D’innombrables fois succombe le soleil
dans les âmes qui s’éteignent mais docile
aux cris des nouveaux-nés il reparaît
aussitôt avec la fraîcheur des naissances
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Le grand petit soleil innocent là-haut
qui lui aussi se métamorphosera jusqu’au
terme des milliards d’années qui lui restent
quatre ou cinq, disons, s’il est bien à la moitié
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de la durée que le mystère lui a impartie
En attendant, une nuit de plus s’est couchée
ce matin enterrant avec elle outre horizon
ses ténèbres ses lunes rouges et ses chagrins
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Au fil de l’heure indivise
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Au-dessus des lauriers et des oliviers il y a
les cimes capricieuses des chênes Au-dessus
il y a les forêts bleues des collines et plus haut
les frondaisons blanches des nuages et l’azur
Le monde semble s’étager au sein de l’été
Le vent et les cigales n’osent pas se manifester
Dans les vases sèchent les orchidées roses
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Ce pourrait être une journée comme une autre
même si l’on a l’impression que le globe tourne
au ralenti et qu’en conséquence une gravité
accrue nous alourdit les gestes et le coeur…
Dehors la verveine dépenses ses senteurs
en pure perte Aujourd’hui elle n’inspire pas
les roitelets, accenteurs mouchets, hoche-queues
ou autres solistes programmés par la lumière
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Deux garçons la main dans la main passent
en « frimant » – fiers de leurs jeunes forces
et beaux comme de jeunes dieux innocents –
La seule vue de leur marche assurée me réjouit
Moi aussi j’avais un pas ferme et décidé jadis
quand ma terre natale était encore un paradis
Les quatre-sept
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Je ne comprendrai jamais
Les réactions de mes “frères humains”
Par exemple ils célèbrent leur anniversaire
Autrement dit d'avoir avancé d'une année
Vers leur mort Comme si c'était une joie
D'être délesté d'un an de leur vie tous les
Douze mois… il est vrai que pour certains
C’en est vraisemblablement une vu qu'à mon avis
Le nombre des gens qui ont la belle vie
Sur cette terre ne représente qu'une minorité
Tandis que la majorité ne connaît au coeur
de l'enfer qu'elle habite que de rares moment
heureux...
Aiguaïlenn
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Tu ne sais pas que j'avais scellés
dans les Nombres
la beauté de mon amour
et les splendeurs de ce monde
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Que les nombres sont ce qui ne s'use pas
Ce que rien n’érode... Ce sur quoi
Le temps n'a pas davantage de prise
que sur le vent, seigneur des moissons
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Je t'ai regardée Tu avais des yeux si clairs
qu'en eux se reflétait le printemps
que j'aurais voulu être Ma nuit en toi
s'est déchirée en millions de coquelicots
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Et de marguerites emperlées de rosées
Tu t'es changée en cascade de soleil
J'ai appris que rien de la réalité ne brillait
Sans ta présence et ton consentement
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Le sablier du temps à pris la forme de toi.
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Leçon de vol
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Depuis que j’ai pris le temps
par sa taille de guêpe
en le regardant lucidement
s’écouler en poussière
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j’ai compris ce que le cristal
des choses recelait de lumière
précieuse et de purs souvenirs
irisés comme des automnes
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dont le vent soulève les feuilles
Je n’ai pas cherché l’introuvable
J’ai seulement écrit sa douceur
et sa cruauté de voleur archiptère
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Vendredi 16 - ou deux fois l’éternité...
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Sur ma rétine l’aube imprime la croisée de fenêtre
qui demeure croix noire dans mes yeux fermés
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Je ne dirait pas quelles sont mes pensées pareilles
à des pies en jaquettes qui se dispute à propos
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des détails du prochain cérémonial tandis que
proche un pic épeiche finit de clouer quelque chose
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Réveil bizarre Cette nuit j’ai réussi à m’enfoncer
avec ma caravane de rêves très loin au coeur
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des dunes du sommeil et de ses mirages inhabités
Puis j’ai fait retour aux pesanteurs de ce monde-ci
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Le poids d’un nouveau jour a surpris mes paupières
En signe de poésie une tourterelle a traversé
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parmi les bois fleuris de soleil l’invisible à tire-d’aile
en criant que la nuit ne gagnera jamais jamais jamais
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Conscient d’être conscient
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Quoique la vie ne soit pas semble-t-il faite
pour être enveloppée d'encre de Chine
et de feuilles de papier recyclé
Ta tendance serait d’orner chaque heure
de ta joie, d’un ruban de crêpe aussi noir
qu'un reste de tison consumé qu'aurait
en plein désert laissé un nomade inconnu
au milieu d'un foyer borné de quatre pierres
sur lesquelles il aurait cuit un gibier de hasard :
De longs vers blancs à l'instar des Anciens
ou quelque vipère à cornes excisée de son venin
ensuite parfumée d'huile et d'épices exotiques
pour se ragaillardir en vue d'une sorte d’interminable pèlerinage
dont il sait n'avoir aucune chance fût-elle infime
- arrivant à son terme - de connaître la fin
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Immarcessible vérité
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Dans un recoin enténébré j’entends
un ange qui sanglote on croirait un oiseau
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Athéna peut-être ou l’une de ses consœurs
regards dorés en suspens dans l’espace :
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Des étoiles à travers un feuillage nocturne
apportant le message de millions d’années
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Ou tout autre clin de lumière non moins
insensé pour tel pauvre hère solitaire
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La création semble réclamer le droit à voir
sa beauté restaurée à travers les larmes
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Un psaume de vent invoque la pâle hostie
à laquelle communient les montagnes violettes
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Dans un recoin enténébré j’entends un ange
obstiné qui chantonne - on croirait un oiseau...
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Le destin résumé dans le timbre d’une voix
dont aucune tristesse n’a pu troubler le cristal
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Météo d’un deuil
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à R. N. in memoriam.
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J’ai fait comme l’azur Pour contenir ses pleurs
il les a emballés dans un vaste nuage ensoleillé
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Qu’il a glissé doucement vers les antipodes
par la fente de l’horizon telle une lettre informe
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Les miens je les ai enclos en un vague poème
que j’envoie aussitôt voyager par l’internet
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pour disséminer le souvenir de qui j’aimais,
pour fertiliser les strates obscures de tous les coeurs
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Résolution d'accord
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Voici venu l'âge des sommeils incertains
Aux ténébreux tréfonds de ta solitude
où se défilent comme feux follets parmi des tombes
les phosphènes échappés de tes cauchemars
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il n'est de baume guérisseur que de susciter
les visages émouvants de qui
ta vie est l’étrange amour Celle
grâce à qui la lumière nous est venue
et ceux qui l'ont reçue d'elle
comme au rameau dénudé le printemps
suscite des étoiles
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Puis nous irons porter nos regards
encore évanescents de songes
sur les empanachements verts des immenses pins
auxquels l'aube se balance avec tous ses écureuils et ses oiseaux dorés
en répandant partout le parfum frais des renaissances...
Au trébuchet de l’âme
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Les panaches fugitifs des écureuils
Les parfums d’embruns venus de loin,
des pins tiédis et des verveines
Le souvenir flottant au-dessus de la dalle nue
Déjà vers le bleu laiteux de l’automne
penche ce qui fut un triste et bel été
Le vent qu'on ne sent qu'à peine
d'un souffle m'apporte un à un des poèmes
emportant du même mouvement
un à un mes rêves et chagrins – un à un !
D'un côté je m’aggrave et de l'autre, m'allège,
de sorte que des deux côtés le fléau
berce ses plateaux d’or autour d'un équilibre
même s'il faut bien avouer que leur balancement
lentement perd en amplitude
comme faiblit le ressac à l'heure
où la mer à l’approche de la nuit pressent
la stupéfaction des étoiles émerveillées
dont l'une ou l'autre endormie
au miroir qui flaque le fond de la barque
laisse un moment pensif le pêcheur
alors qu’il s’apprêtait à regagner le large avant le jour
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Allée de la Lune
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Là-bas sur les cordes improvise Vicente Amigo
Callejón de la luna – grappes brillantes de l’acier
et liberté de floraisons aériennes
qui neigent où le vent emporte leur orient de perles
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Ici parmi les allées douloureuses du réel
sur les lignes d’un langage évasif comme des vignes
j’improvise des poèmes afin de m’enivrer
d’une musique d’oubli mais je n’oublie rien
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Juste le rythme du poème qui m’emporte en ondoyant
ainsi que rivière assagie après la cascade mélodieuse
dont l’avance extirpe du silence de sa double rive
des paysages de vallons et de collines consolantes
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pour le fugace agrément d’un voyageur au masque triste
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Sous le signe du pecten...
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Une langue de nuées roses
Fait frissonner les herbes des collines
J'imagine l'éros errant de la nature
Et la forêt profonde où la mort
Sommeille en son manoir inaccessible
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Les humains sur Terre sont si nombreux
Qu'ils ne respectent plus rien de ce qui vit
Même pas leurs congénères
La vie leur paraît tellement proliférante
Que sa nacre leur échappe
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J'entends cette rare irisation de la réalité
Dont l'extérieur comme d'un coquillage
Ne paie pas de mine alors qu'en dedans
Le tapisse la blanche moire de l'écume
Engendrée par l'incessant babil de la mer
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Celui-là qui précisément murmure à notre oreille
Le poème qu’il faudra recueillir avant qu'un autre
Bientôt ne le remplace prés d'être à son tour
Oblitéré par le suivant et se perde dans les limbes
Avec l'énigme et le miracle dont il eût pu nous donner à connaître
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À la lueur des mots
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Au fond, de cette vie, la seule figure
À laquelle on puisse accorder
La lueur aurorale du songe
C'est le regard que l'on pose
Sur ceux qui suscitent notre amour
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Dire les choses du monde
La jarre où tremble le silence de l'eau
Le jeune arbre qui luit au soleil
Ainsi que la croupe d'un poulain
L'écureuil vif éclair velu
Qui dévale un tronc à la verticale
Comme s'il courait sur un sentier
Le paysage aux lointains paradisiaques
Sur lesquels a déteint le lavandin du ciel
Le scarabée dans l'herbe et le hérisson
Qui guette l'avancée d'une limace rousse
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Dire cela, tout cela et mille autres faits
Menus ou non, n'est que la résultante
Du magnétisme qui nous lie à ceux que nous aimons
Le temps que l'on habite existe à travers eux
Irradié par la passion de vivre que suscite leur présence en nous
Qu'un seul d'entre eux nous manque et notre monde
Nous en sera soudain comme amputé
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Irrémédiablement...
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