• Où je ne suis plus

    Désagréable lucidité

    .

    L’attention que beaucoup d’amis poètes / accordent à toutes sortes de détails du monde contemporain / indistinctement dans leurs écrits divers événements insignifiants en côtoient d’autres décisifs pour l’avenir du vivant / me plonge, comme on dit, dans des abîmes de réflexion

    .

    J’en retire que le détail inscrit dans chaque texte / pour acquérir une teneur « poétique » se doit de receler un essentiel / non-dit mais intensément pressenti / afin que le lecteur apporte sa part de création qui fera le poème « poème » / et qui forme au-dessus de lui cette sorte d’aura troublante

    .

    par la grâce de laquelle on entre-sent ce qui est dissimulé / on entrevoit de l’ineffable / au-delà de notre perception habituelle d’un environnement matériel / et de la création du monde personnel qui pour nous en résulte / Cependant il faut reconnaître ici que si l’on n’accède pas à cette magie du langage

    .

    ce que l’on appelle « poème » par pur orgueil et besoin de survie, lorsqu’on ne se supporte pas en tant qu’humain anonyme, au-milieu de l’anonymat de milliards d’autres / ira rejoindre la grêle saisonnière de livres destinés à nourrir de leurs vers / les amateurs surnommés vrillettes, poissons d’argent et autres bibliophages...

     

     

     

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    Dimanche 2 juin 2019

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    Non ! Je n’écoute pas le soleil dehors

    qui perché au touffu du grand bouleau

    à contre-jour en grattouillant du bec

    s’épouille des derniers morpions de nuit

    encore cramponnés sous son radieux plumage

    .

    Qu’importe s’il craille et craille

    comme une corneille

    de peur de passer inaperçu

    tandis que remonte ébloui le volet roulant

    pour qu’Aïlenn les yeux fermés

    dans son nid de draps embrouillés de blondeurs

    d’où s’échappent ici et là genou bras épaule nue

    (Des autres charmes je me réserve la vue)

    alertée par l’odeur du café se retourne, s’étire

    et me sourie en clignant ses yeux d’eau verte

    .

    car ici-bas je préfère au phénix des matins ma douce

    fée-nixe à moi dans la minute où sa beauté s’éveille

     

     

     

     

    .

    Sans Moi

    .

    Mais où s’enfuit, mais où

    s’enfuit cet oiseau transparent qui pleure

    Redoute-t-il, redoute-t-il

    un tremblement de coeur

    Une sorte d’immense frisson qui secouerait

    l’âme en ses plus fines ramifications

    .

    L’ébranlement qui secoue la pensée,

    qui en propulse l’écume illusoire

    jusqu’aux rivages du néant

    Là où vous quitte tout ce qu’on aime

    où l’on finit comme un squelette de bois flotté

    mais impalpable comme un souvenir de rêve

     

     

     

    .

    Un papillon blanc

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    Une gare en pleine forêt – j’imagine ainsi

    la Halte : une gare en pleine forêt avec sur le quai

    une petite fille blonde en robe blanche

    qui attend on ne sait quoi en chantant et sautant

    à la corde Un oiseau bleu peut-être

    ou quelque train rouge et noir improbable

    à voir comme ce lieu sévère est charmant à la fois

    paraît désaffecté Sombres alentour les sapins ont grandi

    certains même ont envahi l’ancienne route

    et près de la voie-ferrée rouillée des pousses

    émergent d’entre les pierrailles du ballast

    .

    Si l’on prolongeait jusqu’à l’endroit en Y

    où bifurque une voie de garage parmi les épais buissons

    on trouverait sans doute quelque locomotive

    abandonnée qui réjouirait mon petit-fils

    Pour un peu il y aurait même quelques

    wagons aux vitres brisées à la peinture écaillée

    Sur les sièges avachis les derniers magazines

    laissés par les derniers voyageurs y moisiraient encore

    couvertures aux photos pâlies par les saisons

    .

    Comme Ezra finalement j’aime les lieux abandonnés

    Tout y semble plus beau quand c’est reliques de présences

    silence des oiseaux et de la lune dans les arbres

    avec - qui voltige au fil d’une comptine

    d’un coin à l’autre du quai délaissé par le temps -

    une petite fille gracile et fantasque ainsi qu’un papillon blanc

     

    .

     

     

     

    .

    Mythologie

    .

    Comment trouver la force de caractère

    pour regarder ailleurs – mais où ? - lorsque

    l’on voit autour de soi comme au-delà de l’horizon

    tout ce qui fut notre arbre monde s’effondrer

    peu à peu cédant radicelle après radicelle

    jusqu’au complet détachement prévisible

    sitôt que surviendra le dernier orage

    Même le rire de la Valkyrie s’éteint

    qui volait, cygne blanc, au-dessus des combats

    du temps où son amant luttait seul contre tous

    Et s’il reste un soleil son éclat pourpre

    est d’un sang qui n’est plus le nôtre

     

    .

     

     

     

     


    Fugace fraîcheur argentée

    .
    Un instant voici l’éclaircie entre les mélèzes
    et les nuages complices pour ouvrir un étang
    au soleil dont les milliers de doigts vont 
    au fond de l’eau titiller le silence des carpes
    .
    Bonjour, c’est moi, dit-il, dis-je aux verdiers et pinsons
    qui s’empressaient autour de la clairière ce jour-là
    Du moins feignais-je de m’en convaincre en sachant
    parfaitement que c’était jeu taciturne avec moi-même
    .
    Un aubépin piquant au débouché du sentier se prenait
    pour une constellation J’appréciais la pénétrante 
    odeur de clitoris de certaines fleurs un peu fanées
    Comme une exhalaison vitale de notre dame Nature
    .
    Pour un peu je me serais attendu à voir débouler
    près d’une nymphe en train de tâter l’eau un faune
    aviné aux lèvres cramoisies et crinière cornue prêt
    à batifoler jusqu’aux « derniers outrages » priapiques
    .
    Rien cependant sinon l’invisible du vent qui venait
    cueillir dans mes cheveux sa fraîcheur comme si,
    par d’immémoriales visions fécondée, elle émanait 
    d’une imagination que la parole transcrite éternise…

     

     

     

    Les yeux ouverts

    .

    Il se trouve que depuis un ou deux lustres

    le monde qui est le tien est assombri – tel

    un sommet ensoleillé que lentement obscurcit

    et cerne un nuage – par la Multiple Menace

    .

    Te te sens pareil à un oiseau fourvoyé au piège

    d’un embrouillamini de ronces pour s’être

    laissé attirer par une grappe de baies exquises

    Chaque fois pour s’échapper on s’y ensanglante

    .

    Il te semble tout d’un coup que chaque décision

    prise dans ton passé fut une erreur d’aiguillage

    Pourtant si tu retournais dans ton état mental

    de l’époque tu referais la même aussi conscient

    .

    qu’en ce temps-là des douleurs que tu te préparais…

    .

    Autopsie

    .

    - Croyez-vous qu’il vive encore ?

    - Non.

    - Pourtant on dirait qu’il bouge...

    - Il est mort, mais il ne le sait pas !

     

     

    .

     

    .

    Trois moment d’Isis

    .

    Parmi les vagues une main occulte

    recoud les lambeaux de la tunique

    du soleil levant,

    .

    En formation serrée

    pourchassant l’invisible,

    les martinets intatigables,

    filent leurs paraboles au-dessus de la mer...

    .

    Depuis le robinet de l’évier

    une goutte sonore fait contrepoint

    au clapot du ressac.

     

     

     

     

    .

    Nouvelles de l’entre deux

    .

    Jeune homme je voulais

    dévorer le temps

    avoir tout essayé avant qu’il ne me ronge,

    me dévore, m’exténue

    À vitesse d’aile d’hirondelle

    je voulais extraire du printemps

    de mes chansons, de mes images,

    de mes écrits Après échecs sur échecs

    .

    pour finir je n’ai ni l’envie de partir

    ni l’envie de rester ici

    .

    J’habite l’interface

    le temps ne m’a pas dévoré

    Je ne l’ai pas dévoré non plus

    Nous nous regardons en chiens de faïence

    Mon printemps stupidement s’obstine

    Pour combien de temps encore ?

     

    .

    Ritournelle face à la baie

    .

    En bas les navettes de la lumière

    avec la complicité des mouettes

    obstinément tissent la mer

    .

    Le petit-jour au balcon du quatrième étage

    tend des résilles de rayons immatériels

    en espérant que s’y prenne

    la chevelure d’Aïlenn

    .

    Se matérialiser en embrouillamini doré

    qui sent la forêt, pour y faire son nid

    l’oiseau-soleil en a toujours rêvé

    .

    Moi - sur le littoral de l’aurore

    je scrute avec des yeux de crabe

    les traces fossiles des monstres

    de mes rêves passés

    .

    Au-dessus des vagues les escadrilles de martinets

    filent sans cesse puis reviennent

    Je vis avec une ritournelle - dit-Elle…

    « Poème égarés »

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