-
Poèmes extraits d'un tiroir oublié
Littoral
.
L'air de son groin transparent
au creux glauque des vagues recherche
les racines de l'écume
.
Les goélands en planant
l'observent - criant périodiquement
comme s'ils étaient inquiets
.
Je consulte du regard le paysage
Un vieil arbre ou un rocher debout
me suffiraient pour ne point parler seul
.
.
Coeur
.
Écoute l'azur
le lent froissement des nuées
l'avion ronronnant minuscule
.
Immense étendue
qui ensemble aspire oiseau noir
et regard ébloui
.
De quel abîme insondable
en toi surgit cette
violente soif d'infini
.
.
Partage
.
Profond cristal
penché sur ton visage
j'entre par tes yeux
.
Quelqu'un tressaille
en nous comme si
s'ajustaient nos deux obscurités
.
Nos corps sismographes
enregistrent avec crainte
un tremblement d'amour
.
Vieillir
.
Une sueur de sommeil froide
sur les feuilles et les herbes
Aiguail illimité
.
attend anxieuse le soleil
lumière tiède qui tient en échec
les mauvaises neiges
.
Il me semble que cet hiver
je me sentirai moins enivré
par leur pureté
.
.
Liens secrets
.
Tous ces vieux petits poèmes
comme retirés d'une fente de mur
d'un édifice en ruines
.
On dirait les billets tendres
qu'on cachait à l'endroit convenu
pour ne pas avoir l'air de se connaître
.
Fissure imaginaire de l'imaginaire
au défaut de la page blanche
d'où émane une exquise odeur d'amande
.
.
Baume du temps
.
Senteur d'entre les pages du passé
surgie comme fleur de pensée
oubliée au hasard d'un dictionnaire
.
Elle n'a plus que deux dimensions
Sa réalité s'est desséchée hormis
le beau violet irisé des pétales
.
Tel notre amour aux pages du poème
après tant d'années - toi et moi
serrés au sein de notre irréductible liberté
.
.
Cythère
.
Telle caresse que le rêve achève
entre les lèvres de la mer
jusqu'à ce qu'elle se soulève écume
.
ressemble au soleil rose d'avant
le crépuscule lorsqu'un jeune vent
poussait l'amande aux voiles claires
.
Paysage d'audace et d'aventures
L'île d'Éros à l'horizon profile son volcan
Déjà l'on entend les choeurs des sirènes
.
La nymphée
.
Sage près de la lampe qui - de sa lumière
douce - veloute ta joue
ton profil qui s'amuse d'être Muse
.
Il y a si longtemps, si longtemps
Les corridors résonnent d'échos fanés
Comme buse en sa tour d'oxygène pur
.
ma mémoire fait le guet au chemin de ronde
Acide petite voix du soleil parmi les larmes
de la tonnelle de roses pompon qui nous dissimule !
.
.
Vieux rituel
.
Des recommencements l'éternelle
songerie à l'image du scarabée qui roule
dans la nuit le globe terrestre
.
D'un côté Sisyphe de l'autre le bousier
Toi entre deux mythes Grèce Égypte
Le poète d'un siècle ravageur
.
Tu t'acharnes à dépiauter de l'os des mots
la moëlle de Beauté pour l'exposer encore
palpitante ainsi qu'un coeur de sacrifice aztèque
.
Parfaite rosée
.
Perfection permanent souci
que n'ont pas tulipes et roses
ni les feux de l'aurore dans la moindre
.
goutte de diamant ramassée sur soi
qu'il suffit d'un souffle pour faire
rouler de sa feuille jusqu'à la soif
.
du sol comme le poème clos sur
sa transparence jusqu'au papier plat
dont l'épair rêve d'être signé par l'éternité
.
Artistes
.
Tous ambitionnent de pétrifier
dans la matière dans les couleurs
dans l'encre des phrases
.
dans la mélodie du temps partitionné
le moindre frisson de leur fugace
existence Comme s'ils souffraient
.
à cause de la griffe de l'éphémère
qui ride puis emporte toute vie
de n'exister jamais assez !
.
Union
.
Ce serait un simple feu bleu
Insaississable violon imaginaire
Il brûlerait au coeur de tes vers
.
Afin que tes vers brûlent au coeur
d'un monde pour chacun aussi lumineux
que naturel Une parole si commune
.
qu'elle n'exige aucun effort pour devenir
phrase dont même le premier venu
ou l'ange du matin puisse être l'auteur
.
.
Rencontres
.
Aussi spontané que le simple d'esprit
qui lance tour à tour dans chaque vitrine
une pierre pour y voir éclater
.
une étoile d'argent merveilleuse selon
le schéma tissé sur l'air par les araignées
pour piéger dirait-on à l'angle
.
de la porte-fenêtre du côté jardin
les nuages – il jetait en tous sens de durs
poèmes compacts afin de rompre la glace
-
Commentaires