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Survivance
Écolorgiaques
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Les bambous du jardin sont si hauts qu’ils s’infléchissent. Deux corneilles, l’aile ample et noire, viennent s'y disputer. Elles s’en iront tout à l’heure et ce seront les grosses tourterelles d’Egypte bedonnantes qui ploieront la courbe du bouleau blanc. Menus incidents que, de la pelouse, le seul chat de gouttière présent observe avec une vague envie spéculative.
Quel éclair doré fend ces prunelles pensives et que se passe-t-il dans cette étroite cervelle féline ? L’imaginer sans contamination anthropomorphique est tâche hors de portée, comme là-haut sont les oiseaux. Aïlenn a raison de déclarer qu’il faut nous retenir de notre vision humaine, laisser aux animaux leurs pensées d’animaux, aux plantes leurs rêves végétaux.
C’est qu’Elle, avec l’énergie de sa puissante féminité, est d’instinct si proche de tout ce qui vit qu’elle n’a pas besoin de remplacer son immédiate intuition par des formules. Elle a cette intensité de connection avec l’univers qui souvent m’évoque, l’or échevelé de leurs longues boucles au vent, les prêtresses de Dionysos et Pan, qui dansaient en chantant « Évohé ! Évohé ! » dans les forêts.
Conseil avisé
Trace ton sillon, Poète,
creuse et sème dans ton pré carré.
Que les désaccords flasques
et les critiques fondées sur le vent
(que tu connais mieux que quiconque)
restent hors de ton champ !
Il s’agit de ta vie et non
de celle des autres.
Petits matins à Sommervieu
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Parle moi mon vieil enfant, raconte-moi
le château avec son terrain de tennis couvert de ronces
ses couloirs aux murs desquels se croisaient
des épées par dessus les écus peints et les trophées
L’escalier tournant de la tour grêlé des trous
laissés lors du Débarquement par les balles allemandes
Le grand portail du parc ruiné par un char d’assaut
À côté du salon de musique intact, il y avait la
salle à manger octogonale Sa porte vitrée ouvrait
sur la prairie côté jardin Sur le scintillant miroir d’une
vaste pièce d’eau parfois se posait un vol de colverts
parmi les reflets des nuages et des mouettes planantes
Sur la table ronde au petit-déjeuner fumait pour nous
la chicorée dans des bols bleus entourés de pots
de miel, de confiture et de tranches de pain bis
Notre chambre était à l’étage, la dernière d’une galerie
dont le sol s’ornait d’une bifurcation du tapis pourpre
de l’escalier d’apparat, bordé de sa haute rampe
en fer forgé Spires de pampres et ramages d’acanthes
Mais nous enfants ce qui nous plaisait au secret du parc
près d’un bosquet c’était la maisonnette entièrement
construite et meublée à notre taille Comme une
maison de nains dont chaque objet réduit avait été pensé
pour des enfants figés par une fée à l’âge de huit ans
Ça grince côté coeur
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Voix ironique et grêle
qui railles mes élans élégiaques
pourquoi dénigrer ainsi
toutes sortes de sentiments
d’un bleu de gentiane sauvage ou de pensée
Soit il y a du ridicule en ce monde
à se balader le coeur en bandoulière
orné d’une cartouchière de mots
en douilles polies par l’usure
(Ce que tu es toi-même au fond !)
Comique le faiseur de discours
qui se prend pour un résistant du maquis
littéraire comme s’il n’avait pas été
ratiboisé par le bizarre XXI ème siècle
Celui où l’on préfère Basquiat à Fra Angelico
le « jazz manouche » à Mozart ou Ravel
les polars d’Ingridasson à Flaubert et Zola
et les inepties de twitter à Baudelaire
Le feuillage léger de l’ombre
Retourne aux nuits étoilées d’Andalousie, sur le piano d’Alicia jouant l’Almeria d’Albeniz…
Instable miroir violet l’océan recommence obstinément sa labile copie astronomique
Là-bas sur les fins galets Aïlenn et son amie cherchaient les oreilles nacrées apportées par le flot
D’une ligne noire comme un cheveu sur chacune l’infini avait apposé la spire qui est son sceau
Il y avait aussi le razgueado d’une guitare flamenca dont la pénombre amplifiait la solitude
Et le verre de Fino Chiclanero qui d’un tremblant éclat de lune noyait l’âme en des rêveries gitanes
C’était là-bas très loin au Sud sous les pins du temps de la villa Maria del Mar aujourd’hui disparue
« Heartbreaking French decadence »
Dehors personne excepté la pandémie et le froid. Pour l’ambiance, la radio jacasse et chantonne à perte de vue. Je ne l’écoute pas vraiment, mais d’une oreille distraite j’enregistre que tout ce qu’elle débite est contraire à ce qui m’inspirerait du respect.
J’ai l’impression de n’être plus dans le monde qui a vu ma naissance. Quelque part, à mon insu, le temps a aiguillé ma vie vers un monde d’abord parallèle, puis franchement divergent, et de moins en moins ressemblant à la direction que prenait celui de ma jeunesse.
Les acteurs ont la même apparence, mais leur caractère, leurs comportements ont changé, aussi bien que le climat, tempêtueux et déréglé. Passants mal lunés, vindicatifs, vieux ou jeunes, hommes ou femmes ou ambigus, la ville n’est qu’une sinistre contrefaçon de celle que j’ai connue.
Les vitrines sont mal décorées, ou étoilées par des souvenirs de caillassages. On a mis le feu à l’église la plus célèbre, ensanglanté de peinture les statues des grands hommes. Tagué et fracassé les façades des monuments les plus respectés. Fini les clichés d’amoureux, ici plus d’amours…
Le plus étrange est que l’on y adule tout ce qui est fruste, abêtissant et sauvage. À tous les étages de la cité règnent la concussion, la traîtrise, le népotisme, la violence, le mensonge, les partis politiques dénués de toute éthique. Quant au parler quotidien, il n’a plus rien de celui du Temps des Lumières.
L’introuvable
Il est quatorze heures
pourquoi t’acharner
à chercher encore midi
te signifie le soleil...
L’heure passée
ne reviendra pas tel est
le principe même
des heures On ne les
rejoue pas comme des partitions
où s’est figée une vague
de musique joie ou colère
inextinguible nostalgie
Poker surréaliste
Cette noire jument échappée
ma pensée sur la plaine vide du rêve
.
L’air a goût de noisette
il compulse à la façon d’une
main de cartes les feuilles que l’automne
(carreau trèfle coeur pic)
a toutes affublées du même
costume de joker
Serait-ce que l’invisible
spécule sur la donne qui sortira
du prochain chaos hiémal ?
En attendant déjà le soleil du soir
se pavane sur la montagne bleue
en déployant sa roue d’heures mordorées
.
que la nuit effeuillera comme le temps
le fait des saisons qui me restent
Neige d’un matin de février
Mes livres tous fermés
Les pages blanches de la neige
au jardin et dans la rue
Personne ou presque mais
le cri exaspéré des corneilles
Sorti dans le quartier glissant
j’entends crisser le gel sous mes semelles
Le plafond du ciel est gris béton et repose
sur les terrasses des tours vitrées
Goût du thé fumé sur la langue, nez froid
Je pense au merveilleux petit Ezra
J’espère qu’en allant à l’école
il a rencontré des copains et l’occasion
d’une brève bataille de boules de neige
tant que la poudreuse est pure et fraîche
Considérations désabusées
Si fort que l’on combatte une chose, on la conforte dans la même proportion.
Trop d’exigence raidit et paralyse, trop peu d’exigence avachit et avilit.
Dictature d’extrême-droite ou tyrannie d’extrême-gauche sont les deux faces de la même médaille.
Le raciste et l’antiraciste, à entendre leurs discours, sont étrangement consanguins.
Que l'on emploie la force « pour le bien des humains » ou pour leur nuire, l'on est également suppôt du fascisme.
Hors l’argumentation par la parole et par l’écrit, je ne crois pas à une politique aux résultats durables...
Que ce soit au sommet ou au plus bas, le pouvoir inéluctablement pervertit à tout étage de la société.
Quand le poète pastiche le passé
D’en être à se survivre sans doute
engendre au fond de soi parfois l’impression
probablement fondée que rien
dans nos écrits ne se renouvelle et que ce sont
en quelque sorte des pastiches
du jeune homme à la liberté langagière
débridée de jadis
Que sert en vérité cette lucidité qui dut
être aussi celle de Mathusalem
On en fait une qualité mais elle est analogue
au biseau affûté du bistouri
qui ne servira qu’à trancher dans le vif
afin d’alléger notre conscience de son
encombrante tumeur d’espoirs et d’illusions
Joyeuse opération quand on est jeune
plein d’énergie et certain de pouvoir tenir
en échec les mauvais coups de l’avenir
Pourtant quand vient le grand âge
on découvre que l’ancienne tumeur
a repoussé mais surtout que sa rigidité
armée de stéréotypes constitue un utile bouclier
Au vieil homme du miroir
.
Le temps a tellement ridé l’argile de ton visage que le miroir cruel te renvoie l’image d’un désert de latérite par trop de soleil trop longtemps irradié
.
Est-ce l’effet de la beauté que tu fréquentes de si près si tu te sens accablé par ce qu’elle dénonce en toi de manque d’indulgence envers l’humanité
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Pour t’être tant racorni l’âme par ton ardeur à quêter un graal mythique à travers mots et merveilles à l’imitation de l’Autre dans son Laboratoire Central
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(le Jardinier toujours appliqué à l’entretien de quelque luxuriant Éden qui pousse sans le moindre spectateur puisque une sentinelle de feu en interdit l’entrée)
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Oui… Pour avoir tant racorni ton âme qu’on ne la pourrait différencier de ces feuilles mortes dont l’hiver fera dentelle que les vers ne tarderont pas à digérer
.
que n’as-tu au moins obtenu entre tes dents un peu de cette joie qui d’ordinaire est le côté face de l’obole qu’on attend de l’amour avant d’embarquer pour l’empire du Cygne !
Désarroi éolien...
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Dehors il fait grand bleu mais la brise soupire
Vent qui soupire n’a pas ce qu’il désire
(Maxime aménagée car on chercherait en vain
le coeur du vent dont la rose est fictive !)
Que peut bien désirer le vent – je m’interroge
Est-il malheureux d’une trop grande liberté
Ou de son langage incontestablement mal
articulé, plutôt rudimentaire - avouons-le ?
Voici l’aube qui vient voici midi voici le soir
La nuit avec les feuilles qui chuchotent dans le noir
Les vingt-quatre sont bouclées mais rien
ne change Aux angles des fenêtres périodiquement
une plainte se déchire pitoyable, inexplicable
Comme une sorte d’écho à l’invisible peine qui
sans bonheur ni malheur persécute mon coeur
lequel est fatigué d’en devoir faire des poèmes...
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