• Purgatoire

     

    Par la fenêtre de la salle d’attente

    un grand arbre noir se ramifie

    Des passages d'automobiles dans le soir tombant

    jettent des éclairs parmi les branches nues
    Au-delà, les façades ressemblent

    à de petits cimetières verticaux

    avec alignements de tombes aveugles

    Certaines s’allumeront capricieusement

    lorsque des vivants revenus de leur travail

    rentreront chez eux J’entends vaguement

    dans le cabinet voisin que le médecin

    parle avec un patient Une personne entre

    et s’assied cheveux très noirs visage neutre

    A présent nous sommes deux à attendre…

    Cinq si l’on compte les trois plantes vertes

    ébouriffées qui décorent les angles de la pièce

    et d’évidence patientent

    depuis bien plus longtemps que nous...

     

     

     

     

     

    Singulier personnage

     

    Tous les jours on le voyait dans le quartier. Un peu dérangé sans doute, en marchant il parlait assez fort, non point comme tout un chacun à son téléphone, mais à « l’âme du vent ». Allez comprendre ! Vaguement souriant, à qui l’interrogeait il ne refusait pas de répondre. Mais ses réponses étaient assez obscures : - « C’est ma fiancée ! » disait-il. « Ma belle fiancée… Seul je peux la voir, vous non ! Et c’est bien fait !» ajoutait-il sur un ton soudain catégorique. Puis il s’en allait en marmonnant et imitant le cri des poules quand elles s’incitent mutuellement à picorer.

     

     

     

     

     

    En deux temps

     

    Jusqu’à dix ans légère avec ciel bleu

    aurores douces derrière la Vierge

    au nid de son buisson de roses claires :

    légèrec oui, celle qu’on ignore encore

    être la vie – et que l’on vit gaiement

     

    Après l’on commence à s’interroger

    On découvre que chaque avancée

    use un peu de ce que nous sommes

    et que rien n’ira plus en s’améliorant

    On prend conscience du site – disons !

     

    Un brin de joie de temps en temps

    luit encore au long du fil des années

    tel un fugace clin de soleil sur une toile

    d’araignée – mais d’une joie toujours

    en secret menacée par l’arrière-monde

     

    cruel et sans pitié que l’on a découvert

    (après dix ans d’inconscience heureuse)

    être le propre de la « condition humaine » !

     

     

     

     

    Énigme lustrale

     

    Ce soleil froid

    qui passe sur les flaques

    de mes rêves !

     

    Frisson du souvenir

    emporté par le vent mouillé

    comme un papier gras

    à travers la rue déserte

     

    Une illusion de profondeur

    m’ouvrait ses merveilles

     

    Atlantis de corail

    où sinuait la souplesse

    de la Sirène au masque d’or

     

    Un Jadis dont on ne revient pas

    Comment eus-je su que je l’aimais

    si je n’avais souffert à cause d’Elle

     

     

     

     

     

    Défilé des Nocturnes

     

    Ton cerveau dans la nuit noire

    encombré par l’apparition de toutes sortes

    d’objets incongrus et de visions inouïes

    qu’il est difficile de le calmer, de le

    débarrasser de ce bric-à-brac surréaliste !

     

    Rien de matériel là-dedans pourtant

    Seulement une impérieuse fantasmagorie

    que ton sommeil peine à dissoudre

    et balayer pour dérouler ses songes apaisants

    qui ne veulent rien savoir des conflits du monde

     

    En quoi du reste y changerais-tu quelque chose

    vieux parasite que tu es sur cette planète

    parmi tantôt sept ou huit milliards de tes pareils

    fanatisés par leur besoin d’exister et de survivre

    sans davantage de véritables raisons que toi

     

    si ce n’est leurs bric-à-brac mentaux différents

    et d’autres fantasmes aussi rétifs et cruels

    que les tiens - mais qui te sont inconcevables...

     

     

     

     

    Simple matin réel

     

    Étrangement les mots me manquent

    pour dire l’éveil et la simplicité du jour.

     

    Dire le lit blanc de la Belle au bois dormant

    visage rose et pur fouillis de cheveux dorés

     

    Elle fait semblant de dormir mais reste

    toujours en éveil Devine votre approche

     

    même à pas de loup lorsque la pénombre

    éclaire la beauté de son sourire mystérieux

     

    Quelle peine à dire ce qui est alors qu’on

    éprouve en soi ce dire comme indispensable !

     

     

     

     

     

     

    Décembre assombri

     

    Recroquevillant ses branches lumineuses

    sur elle-même ton étoile se rabougrit

    Tu la sens frileuse et grelottante

    dans l’indigo abyssal de l’altitude

     

    Une sorte de nœud à l’estomac

    que le printemps seul pourra dénouer

    peut-être quand l’oxygène des feuilles

    s’épanouira au retour de la lumière

     

    Car tu veux croire qu’elle reviendra

    Qu’à nouveau elle caressera le flanc

    d’une jarre en céramique au jardin

    Et rendra le sourire à celle que tu aimes

     

     

     

     

    Instant très ordinaire

     

    Comme je tournais au coin de la rue

    mouillée encore des pluies de la nuit

    le soleil m’a craché sa lumière au visage

    et c’était un étourdissement de joie

     

    si soudain qu’un instant les façades

    alentour ont été prises de vertige

    Un tremblement de terre silencieux

    puis tout a repris sa place initiale

     

     

     

    Les fenêtres ont retrouvé leur regard

    vitreux et rectangulaire face aux

    fenêtres aux regards vitreux et vides

    des façades d’immeubles en vis à vis

     

    Une odeur de feuilles humides régnait

    sur le petit square et sa fontaine Wallace

    mêlée à celle des pizzas du restaurant

    italien voisin et des grillades du kebab turc

     

    Un puissant camion de la municipalité

    avec un fracassant vacarme déversait

    dans sa benne un torrent de verre brisé

    en congestionnant toute la circulation

     

    Il serait bientôt midi C’est l'heure où sortent

    et se croisent des visages pressés avec des corps

    à nourrir en dessous Certains beaux d’autres

    chiffonnés ainsi que brouillons d’écrits ingrats

     

    qu’on a renoncé à jeter pensant qu’un jour

    on en pourrait peut-être tirer quelque chose


     

     

     

    Dites et redites

     

    Il est probable que si l’on pouvait passer en revue tout ce qui fut dit et écrit depuis les époques archaïques, la conclusion serait que rarement en ce siècle du neuf pourrait surgir : ou bien serait-ce que les combinaisons que permet le langage et ses langues diverses, sont infinies dans leurs possibilités d’expression ?

     

    Variations illimitées qui auraient alors été des réponses exigées par les variations illimités des natures humaines et de leurs sensibilités, dans leur façon d’appréhender les choses du monde et leurs relations avec les circonstances de la vie, à la fois de chacun et de tous…

     

    Existera-t-il une différence à l’avenir entre les écrits commis par des Intelligences Artificielles, et ce qu’on devra sans doute nommer des « Auteurs Humains Naturels » ? Ou ces masses de pages écrites ne seront-elles que la continuation d’un perpétuel ressassement ?

     

     

     

     

    Aux environs de Paulhan

     

    Même sans notre flânerie

    le soleil du sud fait briller là-bas

    entre les rangs des vignes

    les silex glauques éparpillés au sol

     

    Agréable d’y songer Une odeur

    de poudre à fusil s’en dégage quand

    dans l’espoir d’une étincelle

    on les entrechoque

     

    Le même espoir souvent déçu

    il est vrai qui pousse le poète

    à entrechoquer les mots

    les visions et les phrases

     

     

     

    Sans défense

     

    Ces radiations obscures

    qui s’élargissent comme autour de la Pierre

    les ondes en anneaux pliant les lumières

    comment les nommer ?

     

    Est-ce fiction ou réel ces moments

    où subitement tu t’en sens le corps

    transi de tout un hiver de faiblesse

     

    Encapuchonnés des bipèdes

    étranges et pourtant de ton espèce

    se croisent sur les trottoirs luisants de pluie

    Tu te demandes s’il arrive

    qu’ils ressentent ce que tu as ressenti

     

    Autour de la Pierre là-bas très loin

    presque aussi loin que si c’était du passé

    les ondes circulaires plient la lumière

    en repoussant le Noir jusqu’à

     

    tel Infini insoluble à la pensée

     


    votre commentaire
  • Dans la patience du jour

     

     

    Dans la patience du jour 1.

     

    Ne redoute donc pas le point du jour

    Il réveille ensemble – regarde ! -

    l’aurore du soleil et les pivoines du vase

     

    Dehors un chat noir se coule au long du mur

    observe un instant les roses

    . puis saute

    chez le voisin à travers la palissade

     

    Mon rêve rend transparents les immeubles

    à travers lesquels j’aperçois

    . jusqu’à la mer

     

    Une mouette crie en survolant

    la maison d’une aile mince et nonchalante

     

    Trop de lumière trop de soleil là-bas

     

    Sur la plage pourtant qu’importe

    aux amoureux qui s’embrassent !

     

     

     

    Dans la patience du jour 2.

     

    Depuis quelques années

    le réchauffement climatique

    a surtout fait fondre

    sur nous l’avalanche des mauvaises nouvelles

     

    La science déploie autour de la planète

    sa marée technique

    . circonvenant

    les îlots de résistance

    à la vitesse d’un cheval au galop comme la Manche

    autour du Mont-Saint-Michel

     

    Minuscule et blanche

    une barque de pêcheur freinée par le bleu intense

    teufteufe en traversant l’immense

    sérénité salée

     

    Et l’archange là-haut, l’archange d’or

     

    l’épée haute entre ses vastes ailes

    avec sous ses cnémides le dragon écailleux

    qui relève sa mâchoire ouverte

     

    sur une évidence de crocs numériques

     

     

     

     

    Dans la patience du jour 3.

     

    Sous le rebord du toit midi

    force à se réfugier les martinets

    de l’ombre

    . La lumière cligne

    à l’épaule emplumée du merle

    qui s’égosille debout sur une épaisse

    branche de figuier

    . petit chanteur

    virtuose à m’observer d’un œil fixe

     

    J’ai connu un maître qui disait que ce sont

    les oiseaux les premiers

    et les meilleurs des musiciens

     

    Plus personne n’apprécie ce gentil

    miracle de leurs cris et vocalises de cristal

     

    J’ai l’âme pleine de chants d’oiseaux disparus

     

     

     

    Dans la patience du jour 4.

     

    Masqué d’un échauffement solaire

    voici déjà juin à l’approche

     

    Un peu de vent ignore qu’il agite

    une fraîche absence de branches

     

    Les baleines les orques les espadons

    les narvals en troupes filent vers

    le pôle nord dont se dilue, vaste ice-cream

    la banquise

    . geysers de vapeurs et d’écume

    et sternes en essaims tourbillonnants

    Oh que leurs ailes sont aiguës !

     

    Le coeur plonge et replonge

    dans ses amours avec la souplesse d’un phoque

     

    À l’improviste il remonte en surface

    bêle deux ou trois fois avant de s’assoupir

    parmi les lis de mer qui sont analogues

    à des sixains de poésie pure

     

    Pendant ce temps le vent s’impatiente

    Son groin intangible

    fouit la mer, soulève les écumes

     

    renifle des étoiles sous les vagues

    tel un sanglier qui cherche des glands

     

     

     

     

    Dans la patience du jour 5.

     

    Rien ne m’aura davantage étourdi

     

    (comme lorsque, la tête ailleurs,

    celle-ci pourtant percute une porte vitrée)

     

    que la gloire de l’août irradiant les rivages

     

    quand sa lumière s’éparpille en milliers

    de miroirs sur les vagues de la Méditerranée

     

    et le temps s’efface au profit

    d’une somnolence digne d’un de ces oiseaux

    dont le vent, d’être sans bords, rassure

    la sieste planante

    aux yeux clos et larges rémiges frissantes

     

    Ah l’infini de ces miroirs qui sentent

    l’iode et l’oxygène !

     

    Ah la joie de l’inlassable roulis auditif

    quand on s’allonge à deux pas du clapot

    les omoplates épousées par le sable

    paupières translucides

    rosies par l’indolence persistante de l’azur

     

    notre vieux corps ravivé

    par toutes les sensations de l’enfance

    et la face échauffée d’un masque de soleil

     

     

     

     

    Dans la patience du jour 6.

     

    En t-shirt blanc passe mon Aphrodite

    le parfum exquis du silence venu s’embrouiller

    au nid de ses longs cheveux

     

    Un ramier empêtré dans des fougères

     

    Araignée d’or l’astre amoureux

    innocent des crimes humains du carbone

    là-haut tisse de rayons sa chaleur inépuisable

     

    Insolentes les mouettes du front de mer

    se répandent en cris et survols moqueurs

    voyant que je marche toujours

    derrière ma Beauté sans parvenir à sa hauteur

     

    Puisque je l’aime

    Elle – vive à pas de vent

    De souffrances et de joies toujours devant

     

    Et moi toujours en retard sur elle d’un souvenir

     

     

     

     

     

    Dans la patience du jour 7.

     

    Quand bleuissent les lointains de juillet

    sur la côte incessamment redécoupée

    par les ciseaux blancs de la mer

    l’ombre stylise les calanques

     

    Senteurs de nacre et de conques

    l’air tiède à l’horizon s’efface

    dans un léger tremblement de brumes

     

    Au parc des pins un hérisson furète

    sous l’hirsute anarchie des haies

    pour dénicher la moindre

    reptation obscure, le moindre

    fragment de nuit

    qui s’y seraient à l’aube réfugiés

     

    La fraîcheur des fleurs contamine la brise

    et rosit aux joues des bien-aimées

    tandis qu’attendries sur les bancs

    toute la matinée

    elles surveillent des bambins

    si neufs encore

     

    si près de l’humain originel

     

    que les traits de leurs petits visages

    ne dissimulent rien de ce qu’ils pensent

     

     

     

     

    Dans la patience du jour 8.

     

    Ne crois pas ceux qui disent

    que parmi les humains la justice passe

    La justice comme les dieux

    est hors du monde

    où le hasard dicte ses lois imprévisibles

     

    dont la première est que le paradis

    quoique distant de l’épaisseur d’un cheveu

    nous est définitivement inaccessible

     

    Voici qu’entre deux ténèbres

    se faufile avec sa balance à la main

    l’éternel Chien Noir

     

    La jeune fille d’or jette les osselets

    43616 - face claire, masque de lune

    Sa tunique glissée lui dénude une épaule

    tandis qu’elle songe à de futures amours

    Pour elle ce n’est qu’un jeu pensif

     

    Vient l’heure pleine de froissements

     

    Au mystère argenté des feuillus

    la petite chevêche plaint sa solitude

    ----------------

     

     

    Dans la patience du jour 9.

     

    Si svelte la Belle au balcon penchée

    (pendant rideau sa longue chevelure d’or)

    inondant de fraîcheur ses papyrus flexibles

    pour soigner leurs boutures

     

    Si sage au jardin sur son derrière

    le petit chat noir trônant parmi les fleurs

     

    Si clairs les soins du soleil qu’ils ont tout

    reverdi : les haies sont touffues, les bouleaux

    selon des courbes de saules pleureurs fléchissent

    la grâce de leurs ramées alourdies

     

    Aux distantes fenêtres des tours de banlieue

    cligne brillamment une innombrable joie

     

    On l’aperçoit d’ici sans oublier qu’au-delà

    disons à quelques heures d’avion vers l’est

    les vitres crevées des immeubles sont noires

    les façades démantibulées par les explosions

     

    On pousse un soupir qu’imite la brise tiède

    En ce paisible et silencieux matin – pourquoi,

     

    comme une guêpe dont l’idée fixe

    est d’obstinément revenir à sa pomme

    pourrie, notre esprit malgré ce ciel radieux

    est-il hanté d’atrocités et d’images de guerres ?

     

     

     

     

    Dans la patience du jour 10.

     

    Tous comptes poétiques faits et refaits

    la seule chose qui impose son sens à nos

    façons de voir la vie et l’univers

    c’est le fugace, l’insaisissable Temps

     

    Cette sortes de trame mélancolique sur quoi

    s’inscrivent tous nos gestes ainsi

    que l’aiguille d’un sismographe inscrit

    les vibrations d’un volcan sur un ruban

    de papier blanc et le noircit d’informations

     

    Le temps qui nous incite à scruter le profil

    précieux de la Bien-Aimée si souvent

    qu’on l’indispose et qu’elle se rebelle

    «Si tu savais combien ça m’agace

    que tu me surveilles tout le temps ! »

     

    Pourtant elle se trompe On ne la « surveille »

    pas On se dit qu’il ne faut pas laisser filer

    les merveilleuses minutes de sa présence

    car aucun instant ne doit se dissoudre

    dans le passé sans avoir pu déposer

     

    un film du talc doré de ses ailes

    d’iconique Machaon sur notre âme blessée

     

     

     

    Dans la patience du jour 11.

     

    En dépit de son ton

    si fréquemment désespéré

    le langage en poème suppose

    une presque imperceptible

    vibration d’implicite espérance

     

    Une attente traversée d’onde douces

    qui fait songer au « plouf » imminent

    d’un petit bouddha de jade replié

    dans ses membres callipyges au-milieu

    du plateau vert d’un nénuphar

    sur l’étang de Bashô

     

    Quelque chose comme la rencontre

    probabilisée par le hasard

    de deux êtres dont (sait-on jamais?)

    la foudre unira les regards

    sans que rien ne puisse éclaircir

    les raisons de ce subit amour

     

    Car l’étrange de ce monde pour ses

    hôtes bipèdes est de leur inspirer

    par poésie ou autrement

    le pressentiment d’une élucidation

    qui de fait se trouve indéfiniment différée

     

     

     

     

    Dans la patience du jour 12.

     

    Durement en ton esprit tu échafaudes

    l’existence de ce qui veut être

     

    Le rôle du miroir où se démaquille

    la beauté des choses pour emplir

    de leur pure nudité les regards désabusés

     

    Tu voudrais modeler l’incandescent

    chaos qui se berce aux tréfonds de toi

    Sertir de fermes paroles son reflet d’argent

    pour qu’il se réalise

     

    Que la terre s’élève en pots de céramique

    Que l’arbre gère l’azur dans ses ramures

    Que le coquillage enseigne sa rumeur à la mer

     

    Que la restanque aligne ses pierres sèches

    Et que le soleil sur les pampres attise

    le sucre translucide et froid des grains embués 

     

    que croqueront peut-être les dents

    de Celle dont l’amour te fait vivre

     

     

     

     

    Dans la patience du jour 13.

     

    Transparents sont passés

    les spectres inépuisables

     

    Leur lumière minérale

    ressemble à la nuit des pierres

     

    Cela qui naît malgré tout

    telle une herbe entre des pavés

     

    veut sa durée et consent même

    après fleurir – au décret de sa fin

     

    pourvu qu’il en demeure féconde

    une poudre de silence incoercible

     

    Une manière de vérité écrite

    avec le sang du sacrifice

     

    Mais aussi avec l’illumination

    joyeuse des aubes d’oiseaux

     

    Voire quelquefois avec l’inévitable

    foudre séraphique des orages

     

    Elle - la première ou dernière !

     

     

     

     

    Dans la patience du jour 14.

     

    L’archange de l’été unanimement

    célébré par les étoiles odorantes des prés

    partout répandu veille sur le paysage

     

    Il sera bientôt temps de cueillir les pommes

    qu’on détache de l’émotion feuillue

    des vergers

    . Alignées là-haut sur les planches,

    tour à tour désignées par les doigts du soleil

    glissés entre les tuiles du grenier

    jusqu’à la nuit elles parfumeront

    le temps qui passe et la pénombre tiède

    sous la pente des tuileaux en transe de lumière

     

    Oui bientôt temps - pour ces fruits

    arrondis par la joie du soleil - d’être cueillis

    et conservés à la lumière immanente du poème

    avec le magnétisme rémanent de l’amour

    avec la grâce qu’à la vie donne l’être aimé

     

    avec le souvenir des cris lointains de la mer

    mêlés à la rumeur des mouettes pareilles

    à de vivants flocons

    . et le pressentiment

    de certain hiver définitif

    . qui approche à pas grelottants

     

    cependant qu’impassible Uriel continue à gérer

    la splendeur de ses étoiles

     

     

     

     

     

    Dans la patience du jour 15.

     

    Le temps de nos vie se ramifie

    comme si chacune de nos décisions

    au fil des jours divisait notre trajectoire

    vitale en celle d’un moi réel et celle

    d’un moi potentiel dont l’existence

    en ce monde-ci se trouve évincée

    parce qu’il aurait choisi (s’il avait pu)

    de prendre l’autre décision – la refusée

     

    Ainsi plus les années passent et plus

    autour du tronc de notre moi réel

    se démultiplient à profusion des « moi »

    qui chacun suivent une variante

    plus ou moins différente de notre vie

    dans un cosmos qu’on suppose imaginaire

    où l’on fait quelquefois des incursions

    quand le sommeil nous libère du carcan

    d’une réalité que nous avons élue

     

    offrant un aperçu de tous ceux que nous

    eussions pu être, en associant rêves

    et souvenirs à celui que nous sommes :

     

    nul besoin d’hypothèses scientifique

    échevelée pour envisager

    la coexistence des « mondes parallèles » !

     

     

     

     

    Dans la patience du jour 16.

     

    Qu’il serait plaisant de goûter

    aujourd’hui au monde comme

    enfant l’on croquait les cerises

    dans l’arbre en soufflant le plus

    loin possible les noyaux :

    . à celui

    dont la parabole atteindra le chat

    qui nous observait énigmatique

    et qui du coup, haussant les épaules

    à sa façon devant nos facéties,

    d’un pas de mépris nonchalant

    s’éloignait

    . pour bondir sur le toit

    de l’appentis faire sa sieste au soleil

     

    Goûter à la saveur acidulée du jour

    oui – comme si lavé de tant d’années

    d’accoutumance l’azur retrouvait

    son bleu céruléen, les pivoines

    l’intense parfum de leur carmin,

    les pierres leur chaude douceur

    de paumes ensoleillées par l’été 

     

    et les hautes herbes émaillées

    de coquelicots, ce vert originel

    qui tachait nos vêtements quand

    au long de la prairie en pente

    on se laissait rouler avec rires

    et cris – traduisant la poésie

    d’heures qui nous paraissaient

    ce que nous pouvions connaître

    de plus proche du Paradis...

     

     

     

     

    Dans la patience du jour 17.

     

    Sporadiques, les fragments d’éternité

    auxquels parfois l’on accède

    lorsque la Beauté dans la brume du matin

    laisse au navigateur pris au dépourvu

    entrevoir son archipel doré

     

    Il y a le choeur des neuf sirènes occultes

    qui superposent les points d’orgue

    de leurs voix étagées

    . Les odeurs de salines

    d’une mer absente,

    les parfums de jasmins

    et de giroflées d’un jardin d’Éden qui depuis

    belle lurette n’est plus de ce monde

     

    Si le temps est particulièrement clair

    au-dessus des acacias des ifs et des figuiers

     

    on verra dépasser les cônes d’ardoises

    des tourelles effarouchées de tourterelles

    d’un château qui protège l’attente

    de la Belle Endormie

     

    Ah ces fragments d’éternité - poèmes

    angoissants et merveilleux comme

    des promesses qui ne seront jamais tenues

     

     

     

    Dans la patience du jour 18.

     

    Aïlenn dit que les poètes devraient

    vivre en ermites sur la montagne

    à la façon des anachorètes chinois

     

    ou circuler indéfiniment avec leur bâton

    sur des chemins couverts de pierres

    et de ronces ainsi que les moines gyrovagues

    tels que le fameux Ryôkan

     

    Elle rêve constamment de justice

    d’éthique, de vérité – l’âme lourde

    d’un silence doré comme une iconostase

    où miroite au secret de la pénombre

    les images hiératique de ceux qu’elle aime

    mais aussi de tous ceux qu’elle a aimés

     

    Car pour la Belle qui volens nolens

    hante en permanence mes poèmes

    le passé ne s’efface jamais

     

     

     

     

    Dans la patience du jour 19.

     

    Il tricotait son langage en prenant exemple

    sur la manière qu’a la mer

    de tricoter son écume

     

    Convaincu que pour tenir chaud à l’âme

    que glace un seul pôle nord – la pensée

    de l’Inévitable -

    rien ne pouvait être fermement dit

    qui ne soit maille à maille compté

     

    Certes il savait bien qu’écrire

    revient à confectionner

    des ourlets de dentelle à la vie

     

    Que le soleil engloutira tôt ou tard

    dans sa fournaise ses planètes

    Que d’ici-là toute humanité aura été

    gommée de l’univers sans qu’il en reste

    même l’ombre d’un souvenir

     

    Mais cela n’importait point Pour lui

    le poème se suffisait de saisir

    avec les griffes des mots l’Instant Présent

     

    celui qui merveilleusement,

    énigmatiquement, voit Aïlenn

    mouvant ses ailes d’ozone

    sourire sans sourire – fusion de la Joconde,

    du Printemps de Botticelli et d’Ouriel à Reims,

    alter ego de l’Ange de l’Annonciation !

     

     

     

    Dans la patience du jour 20.

     

    Les pivoines se gonflent dans leurs plumes

    Chacune rêve qu’elle est une aurore

    L’instant est tout parfumé de leur présence

    (Ce dimanche est celui qui honore les Mères)

     

    La soirée commencera bientôt : Ezra

    et son père sont repartis J’écoute au piano

    Alicia de Larrocha jouant les quatre cahiers

    d’Iberia Je me dis que quoi que l’on fasse

    il est rare qu’on parvienne à transmettre

    l’essentiel de ce qu’une vie nous a permis

    d’accumuler

    . Ainsi je me dis que quand

    Ezra aura atteint l’âge adulte si jamais

    il ouvre un de mes livres, leur « poésie »

    lui paraîtra d’un autre temps, désuète,

    illisible, bref

    . d’un temps complètement

    étranger à ce que lui vivra sur une Terre

    changée au point que fête des Mères,

    pivoines (et tout le reste de notre mode

    actuel de vie) sembleront aussi ridicules

    que ce que nous montrent quelquefois

    à la TV les publicités des années 1950 !

     

     

     

     

    Dans la patience du jour 21.

     

    Penché sur l’abîme à la verticale

    de tes années tu regardes le temps

    cascader en blanchissant les profondeurs

     

    On dirait que plus on est en altitude

    plus le réel d’en bas semble

    retourner à l’innocence

     

    On voit les étoiles de notre voisinage

    naître du miroir de la mer

    comme pour compenser les inévitables

    larmes de l’amour

     

    Dans le feuillage du laurier une mante

    religieusement compte les perles

    de son chapelet de rosée - gros yeux

    interrogatifs, fine antennes en V

    sur le triangle vert de sa tête

     

    Étrangement hiératique elle pose

    en costume d’éternel printemps

    avec des airs de divinité extraterrestre

     

    Toute petite heureusement au fond

    de l’abîme alors qu’à huit ans

    quand j’en observais une de près

    je la voyais grande comme une girafe

    ou comme une sorte de Tyrannosaure

     

    C’était - bien sûr - avant la Chute !

     

     

     

    Dans la patience du jour 22.

     

    Il arrive qu’un jour on donne de la tête

    dans l’Inexplicable et c’est : la poésie !

     

    En pataugeant pieds-nus parmi des reflets

    d’une aurore salée l’on s’aventure

    vers de scintillantes lagunes roses où mille

    blancs points d’interrogations imitent

    les flamants

    . Sur l’autre rive des cannes

    hautes dans la brise se bercent de l’idée

    qu’elles pourraient devenir des flûtes

    ou des anches de hautbois

    . Aussitôt

    un acide goût de rhubarbe vient

    à la bouche et frissonne à nos lèvres

    qui le modulent en amertume de lune

     

    À cause de quoi la nuit l’on murmure

    tout seul en écrivant des lignes fiévreuses

     

    que l’on relit le matin en les jugeant insensées

    sans oser pour autant les effacer

    car elles semblent du même métal sacré

    dont sont faits les vases, calices et autres

     

    instruments des libations dédiées au Verbe

    ou à quelque autre lumineux Aïus Loquens...

     

     

     

     

    ---------

     

     

    Dans la patience du jour 23.

     

    C’est que si peu nombreuses sont les œuvres

    qui ont inoubliablement arraché

    quelque fragment de vérité

    de l’être humain à son origine

    . cette aurore de l’enfance

    naissance après naissance

    constamment renouvelée comme se r’ouvre

    avec l’indigo des flux et reflux matinaux

    le coeur safran du lys de mer

     

    Et chaque génération doit apprendre

    à composer la partition du prochain vivre

    sans guère bénéficier

    des expériences de ses aïeux

     

    Apprendre le discernement dans ses

    admirations et ses rejets ses amours

    et ses désamours Apprendre

    que les choses les plus quotidiennes

    à l’instar des personnes veulent ê t r e

    au miroir bienveillant de nos regards

     

    tel ce vase de pivoines roses en boutons

    qui s’est épanoui depuis qu’Aïlenn –

    maîtresse du Silence – le soigne

    à force d’attention et d’eau pure

     

     

     

     

    Dans la patience du jour 24.

     

    La pensée – comment s’y fier !

    Tu songes à l’univers déroulé

    tout au long du tissu du temps

     

    à la façon de la Tapisserie de Bayeux

    ou d’Habitater dans les monts Fu-Chuen

    la peinture de Huang-Gong Wang

    mais évidemment en bien plus immense

     

    car à la différence de ces œuvres d’art

    pours lesquelles la question du Commencement

    ne se pose pas, non plus que celle de la Fin

    si l’on veut penser le commencement

    de l’univers on se demande : qu’y avait-t-il

    avant ? Et si c’est la fin : qu’y aura-t-il après ?

     

    Et bien entendu, comment se fait-il

    qu’il y ait quelque chose plutôt que r i e n

    Et que vont devenir ces milliards de galaxies

    composées d’une débauche de milliards d’astres

    (chacune analogue à un pommier en fleur

    sans abeilles pour le féconder)

     

    Et notre petite terre verte et bleue

    avec son mince tégument d’atmosphère

    si petite à la périphérie de la Voie-Lactée

    face à l’incommensurable noirceur cosmique

    que régit l’espace-temps

    . Autant de questions

    auxquelles l’imagination poétique peut seule

    esquisser quelques réponses incertaines

    car en pareil domaine la Logique rarement

    s’accorde avec la Raison

    . Ainsi déconcertant

    l’Univers en fin de compte serait-il

    une émanation de l’Amour ?

     

     

     

     

     

    fin


    votre commentaire
  • Fugace éternité  (10)           

    .

    Les abeilles malgré les fleurs,

    leurs parfums, leurs couleurs fraîches

    bercées des brises,

    connaissent-elles la tentation 

    du Renoncement ?

    .

    Fidèle à ton poème

    planté comme un atoll  

    en plein océan laiteux, tu écris

    certes ! Mais pourquoi ?

    .

    Les eaux là-bas étincellent

    de toutes les gloires du mirage,

    fantasmes de pierre et de feu,

    chansons et pleurs et pluie.

    .

    Lorsque la solitude mentale

    marche à travers la solitude universelle,

    parmi les foules versatiles

    avancer ou non qu’importe ?

    Toute perspective est : d é s e r t...

     .

     

     

     

     

    Fugace éternité  (9)

    .

    D’une panosse de vapeurs 

    son regard astique le plancher du ciel,

    ange de l’altitude…

    .

    Purifié l’infini éclaire

    de turquoise le miroir de la mer

    où l’on voit sur les flots marcher

    le spectre radieux d’Aphrodite.

    .

    Penchée dans sa chevelure blonde,

    elle vient déchiffrer les hiéroglyphes

    d’un millénaire de hasards

    sur les galets gris et roses...

    .

    Chaque onde jette un réseau d’écume

    pour, dans un instant d’éclaboussure,

    piéger le charme de son corps

    mais – trop court 

    toujours trop court!

     

     

     

     

     

    Fugace éternité  (8)

    .

    Elle aime rire,

    pour orner le quotidien 

    d’un brin d’élégance.

    .

    Elle vient en aide au vent 

    si le jour est néfaste

    et sans mystère.

    .

    Elle agrémente l’infini

    du profil de divinité

    qui lui manquait.

     

     

    ___________________________

     

     

     

    Fugace éternité  (7)

    .

    Fables heureuses 

    résumées en restanques et mazets,

    silence troublé de cigales et

    soleil septième de dominante.

    .

    Le visage 

    et la démarche de la Beauté                                                                    

    persistent sur notre rétine

    en étoile pourpre.

    .

    Les sept années 

    glissent comme la lumière

    des mouettes sur la mer

    qui demeure 

    verdeur et profondeur.

    .

    Petite et pure,

    jolie comme une idole

    des Cyclades,

    la voici dans ton regard

    qui s’avance voix élue,

    doux accord, 

    musique d’oiseaux.

    .

    Site tiède et charnel de nos rêves, renversant 

    Soleil solitaire, soleil transparent

    résumé du monde - que je t’aime, ô ma

    fascinante Beauté blonde !

     

     

      

     

     

    Fugace éternité  (6)

    .

    Le bleu 

    efface les étoiles

    dans l’ombre du vieux lavoir.

    .

    Il y a des glycines

    nonchalantes qui tombent  

    de l’avant-toit croulant,

    l’air embaume.

    .

    Parfum de temps révolus

    qui aère les venelles du village !

    Antiques pierres sèches

    et bornes au coin des porches...

    .

    Mais où les chars à foin

    aux roues cerclées de fer 

    et, pelage luisant de soleil, les croupes 

    des percherons puissants ?

    .

    Où les femmes qui, 

    en chantant battaient, le linge

    et se moquaient de leurs amoureux

    en rinçant les caleçons ?

    .

    Où les copains

    qui criaient sur la place en jouant

    aux barres ou à chat-perché,

    cartables de cuir entassés 

    près de la fontaine

    après l’école ?

    .

    Morts - ou veufs, vieux et ridés,

    sans cheveux, 

    méconnaissables.

    .

    L’azur  

    efface les souvenirs

    au fond de nos mémoires...

     

     

     

     

     

    Fugace éternité  (5)

    .

    Matière 

    de chair, être là

    vase de céramique

    où tremble

    le verbe...

    .

    Rouge argile figée

    par le feu, 

    roidie dans sa forme.

    à côté du seuil :

    voyez comme en son col

    l’amarante et la marguerite

    oscillent au vent.

    .

    Solitude du bois rainuré

    de la porte qui bat.

    Le temps s’ouvre et se ferme

    sur les pétales effeuillés ;

    marguerite solitaire

    au coeur d’or...

    .

    Larme d’aurore

    un grain de l’aiguail,

    déploiement exemplaire de l’hymne,

    recèle un germe de soleil,

    enferme l’oiseau et le nuage

    et tout l’infime paysage.

     

     

     

     

     

     

    Fugace éternité  (4)

    .

    Un rayon de soleil au défaut

    du rideau empourpre

    telle bouteille oubliée

    .

    La main posée sur le bois

    veiné de la table 

    palpe sa propre sensation :

    .

    Une chose belle et douce

    comme l’épaule nue de Celle

    dont chacun reçoit sa vie

    .

    grâce à la tendresse

    fraîche et lisse d’une rondeur

    de marbre tiède

    .

    qui hors l’inconscient fait 

    éclore au miroir de nos pensées 

    le mirage de Galatée

    .

    Et reclus en son attention

    tandis qu’il modèle la glaise

    tournoyante des mots 

    .

    un faux potier tardivement

    s’adonne à sa passion étrange 

    d’ordonner le Chaos par amour 

     

     

     

     

     

    Fugace éternité  (3)

    .

    Nécessaire à l’instar d’un arbre

    ou d’une pierre, l’Obscur 

    en lequel est gagée la liberté d’être

    .

    De même que toutes les directions

    s’ouvrent au coeur du brouillard

    sans tracé privilégié

    .

    Ou qu’à l’aurore le centre au ciel 

    surgi de la lumière à travers 

    la sphère du jour rayonne

    .

    Et ce sont les obstacles qui donnent

    contours et réalité aux rayons dans nos yeux

    venus se connaître argile ou fleur

    .

    Sous l’image au miroir le tain 

    opaque creuse l’illusion

    de profondeur qui nous instruit

    .

    Symétrique de nos rêves

    son dehors déploie une feinte du dehors

    en laquelle consulter notre existence

    .

    Analogue à cette musique en quoi

    le temps vibré rend sensible

    la splendide architecture du Tout

     

     

     

     

     

     

    Fugace éternité  (2)

    .

    Au-delà de ton monde

    ce volcan ridé avec écorce bleue

    en forme de pyramide 

    .

    et devant : rouge feuillage profus

    d’érable en octobre

    domine une île en plein Pacifique

    .

    Mauna Loa - il se peut -

    ou Fuji-Yama point chaud passions

    fomentées au coeur de la Terre

    .

    Qui sait ce que l’on reconnaîtra 

    surgi du noyau en fusion 

    qui sculptera la nature en surface

    .

    Ainsi des tréfonds de l’esprit

    refroidie en rimes sur la page

    la pensée se fait langage

    .

    Et voici qu’au passage du vent 

    ce qu’on a de plus précieux s’envole

    tantôt mouette tantôt cendre

     

     

     

     

    Fugace éternité  (1)

    .

    Au-delà de ton monde

    ces ruines bleues avec arcades hautes

    et façade drues de calanques

    .

    respirent le mistral

    avec effluves de menthe et de café,

    d’anis et de serpolet

     

    Froisse dans tes mains

    ces fleurettes-ci tu reconnaîtras

    le fameux ail des ours  

    .

    L’odeur troublait nos amourettes

    et ricanaient les pies des champs

    et nous courions par les labours

    .

    souliers de terre grasse lourds

    et d’autres fois parmi les vignes

    face à face entre deux baisers

    .

    on croquait les grains froids et noirs,

    acides comme bonheurs clandestins

     

     


    votre commentaire
  • Dessillement

     

    Est-ce infirmité - à la fin

    tu ne sais être autrement

    que solitaire et sans illusions

    Sans ces illusions qui font le charme

    de vivre notamment

    ce leurre d'aimer les autres

    et de compter sur cet amour

    pour que chacun soit heureux…

     

    De vivre en un monde sans questions

    autres qu'issues des soucis de l'immédiateté pratique

    Un monde où la poudre aux yeux de mille tracas quotidiens

    distrait heureusement de l'Insupportable Essentiel

     

    Et fait vivre les gens autour de toi

    dans un rassurant semblant d'éternité

    pareil à quelque drogue

    capable de rendre aux plus pessimistes

    la réconfortante intensité d'existences

    constamment connectées entre elles

    et nourries sans interruption d'une profusion

    d'éphémères malheurs et bonheurs

     

    Contrairement à toi

    à qui tout fut progressivement repris

    excepté la solitude

     

     

     


    votre commentaire
  • Trêve précieuse et brève

     

    .

    C’est l’heure gongorienne où cítaras de plumas sonores dans les arbres les oiseaux chiffrent à vue en guise

    .

    de partitions les différentes nervures des feuilles ou bien là-bas dans les vergers de Mai comme des notes

    .

    exécutent les griottes noires Un moment où le promeneur se berce volontiers de l’illusoire et lumineux

    .

    sentiment que surgie de la mer dont les houles depuis l’horizon ramènent vers nous les clartés de l’aurore

    .

    une bonté à la fraîcheur d’azur et de thym s’est mise à régner urbi et orbi Que désormais le monde est pacifique

    .

    Que les hommes sont droits et généreux Que les femmes sont exemplaires de courage et d’honnêteté

    .

    Que leurs enfants tels ces angelots des fresques assis sur des nuages roses sont d’une attendrissante innocence

    .

    Bien entendu c’est entièrement la faute de ces passereaux dont les chants ouvrent dans le paysage

    .

    quelques minutes de paradis dont la parenthèse va se refermer au détour du chemin lorsqu’on verra

    .

    en train de gravir la pente en direction de la forêt le pas réglé sur la buée rythmée de leur respiration

    .

    tronçonneuse électrique à l’épaule un groupe de bûcherons silencieux aux silhouettes lentes et massives

    .

    de mercenaires lourdement armés pour quelque massacre d’un genre qu’on n’oserait raconter à personne…

     

     

     


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique