• Propos sur la malmenée Beauté

    « Que disions-nous, en feignant de ne pas regarder la beauté... » (Michel Deguy)



    Que soit ou non « métaphysique » la Beauté...
    Que l’on tente de la fracasser à coups de marteau
    comme Nietzsche
    les talibans ou autres « bouddhaoclastes »
    ne l’empêche pas

    d’exister envers et contre tout
    parce qu’elle n’est pas chose extérieure à l’être humain
    mais consubstantielle à ce qu’il est
    à son esprit
    voire à sa chair même
    et ceux qui tentent

    de nous faire accroire le contraire
    les modernes illusionnistes amateurs de la facilité prétendument « créatrice »
    obnubilés par le besoin d’exister
    fût-ce par la laideur et le scandale

    ceux-là ne sont que des faiseurs
    qui prétendent à remplacer l’exceptionnel par le banal
    la grandeur de l’oeuvre par une médiocrité «démocratique»
    afin tout simplement

    de transformer en pactole
    l’insignifiant ruisselet boueux de leurs soi-disant « créations »
    puisque il s’agit pour eux de se rendre riche et heureux ici et maintenant
    et que peu importe l’Annonciation…

     

     


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  •  

     

     

    Écolorgiaques

    .

    Les bambous du jardin sont si hauts qu’ils s’infléchissent. Deux corneilles, l’aile ample et noire, viennent s'y disputer. Elles s’en iront tout à l’heure et ce seront les grosses tourterelles d’Egypte bedonnantes qui ploieront la courbe du bouleau blanc. Menus incidents que, de la pelouse, le seul chat de gouttière présent observe avec une vague envie spéculative.

     

    Quel éclair doré fend ces prunelles pensives et que se passe-t-il dans cette étroite cervelle féline ? L’imaginer sans contamination anthropomorphique est tâche hors de portée, comme là-haut sont les oiseaux. Aïlenn a raison de déclarer qu’il faut nous retenir de notre vision humaine, laisser aux animaux leurs pensées d’animaux, aux plantes leurs rêves végétaux.

     

    C’est qu’Elle, avec l’énergie de sa puissante féminité, est d’instinct si proche de tout ce qui vit qu’elle n’a pas besoin de remplacer son immédiate intuition par des formules. Elle a cette intensité de connection avec l’univers qui souvent m’évoque, l’or échevelé de leurs longues boucles au vent, les prêtresses de Dionysos et Pan, qui dansaient en chantant « Évohé ! Évohé ! » dans les forêts.

     

     

     

    Conseil avisé

     

    Trace ton sillon, Poète,

    creuse et sème dans ton pré carré.

    Que les désaccords flasques

    et les critiques fondées sur le vent

    (que tu connais mieux que quiconque)

    restent hors de ton champ !

     

    Il s’agit de ta vie et non 

    de celle des autres.

     

     

     

     

    Petits matins à Sommervieu

    .

    Parle moi mon vieil enfant, raconte-moi

    le château avec son terrain de tennis couvert de ronces

    ses couloirs aux murs desquels se croisaient

    des épées par dessus les écus peints et les trophées

    L’escalier tournant de la tour grêlé des trous

    laissés lors du Débarquement par les balles allemandes

    Le grand portail du parc ruiné par un char d’assaut

     

    À côté du salon de musique intact, il y avait la

    salle à manger octogonale Sa porte vitrée ouvrait

    sur la prairie côté jardin Sur le scintillant miroir d’une

    vaste pièce d’eau parfois se posait un vol de colverts

    parmi les reflets des nuages et des mouettes planantes

    Sur la table ronde au petit-déjeuner fumait pour nous

    la chicorée dans des bols bleus entourés de pots

    de miel, de confiture et de tranches de pain bis

     

    Notre chambre était à l’étage, la dernière d’une galerie

    dont le sol s’ornait d’une bifurcation du tapis pourpre 

    de l’escalier d’apparat, bordé de sa haute rampe 

    en fer forgé Spires de pampres et ramages d’acanthes

    Mais nous enfants ce qui nous plaisait au secret du parc

    près d’un bosquet  c’était la maisonnette entièrement

    construite et meublée à notre taille Comme une

    maison de nains dont chaque objet réduit avait été pensé

    pour des enfants figés par une fée à l’âge de huit ans

     

     

     

     

     

    Ça grince côté coeur

    -

    Voix ironique et grêle

    qui railles mes élans élégiaques

    pourquoi dénigrer ainsi

    toutes sortes de sentiments

    d’un bleu de gentiane sauvage ou de pensée

     

    Soit il y a du ridicule en ce monde

    à se balader le coeur en bandoulière

    orné d’une cartouchière de mots 

    en douilles polies par l’usure

    (Ce que tu es toi-même au fond !)

    Comique le faiseur de discours

    qui se prend pour un résistant du maquis

    littéraire comme s’il n’avait pas été

    ratiboisé par le bizarre XXI ème siècle

     

    Celui où l’on préfère Basquiat à Fra Angelico

    le « jazz manouche » à Mozart ou Ravel

    les polars d’Ingridasson à Flaubert et Zola

    et les inepties de twitter à Baudelaire

     

     

     

     

     

    Le feuillage léger de l’ombre

     

    Retourne aux nuits étoilées d’Andalousie, sur le piano d’Alicia jouant l’Almeria d’Albeniz…

     

    Instable miroir violet l’océan recommence obstinément sa labile copie astronomique

       

    Là-bas sur les fins galets Aïlenn et son amie cherchaient les oreilles nacrées apportées par le flot 

     

    D’une ligne noire comme un cheveu sur chacune l’infini avait apposé la spire qui est son sceau

     

    Il y avait aussi le razgueado d’une guitare flamenca dont la pénombre amplifiait la solitude

     

    Et le verre de Fino Chiclanero qui d’un tremblant éclat de lune noyait l’âme en des rêveries gitanes

     

    C’était là-bas très loin au Sud sous les pins du temps de la villa Maria del Mar aujourd’hui disparue

     

     

     

     

     

    « Heartbreaking French decadence »

     

    Dehors personne excepté la pandémie et le froid. Pour l’ambiance, la radio jacasse et chantonne à perte de vue. Je ne l’écoute pas vraiment, mais d’une oreille distraite j’enregistre que tout ce qu’elle débite est contraire à ce qui m’inspirerait du respect.

     

    J’ai l’impression de n’être plus dans le monde qui a vu ma naissance. Quelque part, à mon insu, le temps a aiguillé ma vie vers un monde d’abord parallèle, puis franchement divergent, et de moins en moins ressemblant à la direction que prenait celui de ma jeunesse.

     

    Les acteurs ont la même apparence, mais leur caractère, leurs comportements ont changé, aussi bien que le climat, tempêtueux et déréglé. Passants mal lunés, vindicatifs, vieux ou jeunes, hommes ou femmes ou ambigus, la ville n’est qu’une sinistre contrefaçon de celle que j’ai connue.

     

    Les vitrines sont mal décorées, ou étoilées par des souvenirs de caillassages. On a mis le feu à l’église la plus célèbre, ensanglanté de peinture les statues des grands hommes. Tagué et fracassé les façades des monuments les plus respectés. Fini les clichés d’amoureux, ici plus d’amours…

     

    Le plus étrange est que l’on y adule tout ce qui est fruste, abêtissant et sauvage. À tous les étages de la cité règnent la concussion, la traîtrise, le népotisme, la violence, le mensonge, les partis politiques dénués de toute éthique. Quant au parler quotidien, il n’a plus rien de celui du Temps des Lumières.

     

     

     

     

     

    L’introuvable

     

    Il est quatorze heures

    pourquoi t’acharner

    à chercher encore midi

    te signifie le soleil...

     

    L’heure passée 

    ne reviendra pas tel est

    le principe même

    des heures On ne les

     

    rejoue pas comme des partitions

    où s’est figée une vague 

    de musique joie ou colère

    inextinguible nostalgie             

     

     

     

     

     

    Poker surréaliste

     

    Cette noire jument échappée

    ma pensée sur la plaine vide du rêve

    .

    L’air a goût de noisette

    il compulse à la façon d’une

    main de cartes les feuilles que l’automne 

    (carreau trèfle coeur pic)

    a toutes affublées du même 

    costume de joker

    Serait-ce que l’invisible 

    spécule sur la donne qui sortira

    du prochain chaos hiémal ?

    En attendant déjà le soleil du soir

    se pavane sur la montagne bleue

    en déployant sa roue d’heures mordorées

    .

    que la nuit effeuillera comme le temps

    le fait des saisons qui me restent

     

     

     

     

     

    Neige d’un matin de février 

     

    Mes livres tous fermés

    Les pages blanches de la neige

    au jardin et dans la rue

    Personne ou presque mais

    le cri exaspéré des corneilles

     

    Sorti dans le quartier glissant 

    j’entends crisser le gel sous mes semelles

    Le plafond du ciel est gris béton et repose

    sur les terrasses des tours vitrées

    Goût du thé fumé sur la langue, nez froid

     

    Je pense au merveilleux petit Ezra

    J’espère qu’en allant à l’école

    il a rencontré des copains et l’occasion

    d’une brève bataille de boules de neige

    tant que la poudreuse est pure et fraîche 

     

     

     

     

     

    Considérations désabusées

     

    Si fort que l’on combatte une chose, on la conforte dans la même proportion.

     

    Trop d’exigence raidit et paralyse, trop peu d’exigence avachit et avilit.

     

    Dictature d’extrême-droite ou tyrannie d’extrême-gauche sont les deux faces de la même médaille.

     

    Le raciste et l’antiraciste, à entendre leurs discours, sont étrangement consanguins.

     

    Que l'on emploie la force « pour le bien des humains » ou pour leur nuire, l'on est également suppôt du fascisme.

     

    Hors l’argumentation par la parole et par l’écrit, je ne crois pas à une politique aux résultats durables...

     

    Que ce soit au sommet ou au plus bas, le pouvoir inéluctablement pervertit à tout étage de la société.

     

     

     

     

     

    Quand le poète pastiche le passé

     

    D’en être à se survivre sans doute

    engendre au fond de soi parfois l’impression

    probablement fondée que rien

    dans nos écrits ne se renouvelle et que ce sont

    en quelque sorte des pastiches

    du jeune homme à la liberté langagière

    débridée de jadis

     

    Que sert en vérité cette lucidité qui dut

    être aussi celle de Mathusalem

    On en fait une qualité mais elle est analogue

    au biseau affûté du bistouri

    qui ne servira qu’à trancher dans le vif

    afin d’alléger notre conscience de son 

    encombrante tumeur d’espoirs et d’illusions  

     

    Joyeuse opération quand on est jeune

    plein d’énergie et certain de pouvoir tenir

    en échec les mauvais coups de l’avenir

    Pourtant quand vient le grand âge

    on découvre que l’ancienne tumeur 

    a repoussé mais surtout que sa rigidité

    armée de stéréotypes constitue un utile bouclier

     

     

     

     

    Au vieil homme du miroir

    .

    Le temps a tellement ridé l’argile de ton visage      que le miroir cruel      te renvoie l’image d’un désert de latérite      par trop de soleil trop longtemps irradié

    .

    Est-ce l’effet de la beauté      que tu fréquentes de si près      si tu te sens accablé      par ce qu’elle dénonce en toi      de manque d’indulgence envers l’humanité

    .

    Pour t’être tant racorni l’âme      par ton ardeur à quêter un graal mythique       à travers mots et merveilles       à l’imitation de l’Autre      dans son Laboratoire Central

    .

    (le Jardinier toujours appliqué      à l’entretien de quelque luxuriant Éden      qui pousse sans le moindre spectateur      puisque une sentinelle de feu en interdit l’entrée)

    .

    Oui… Pour avoir tant racorni ton âme      qu’on ne la pourrait différencier      de ces feuilles mortes dont l’hiver fera dentelle      que les vers ne tarderont pas à digérer

    .

    que n’as-tu au moins obtenu      entre tes dents un peu de cette joie      qui d’ordinaire est le côté face      de l’obole qu’on attend de l’amour      avant d’embarquer pour l’empire du Cygne !

     

     

     

    Désarroi éolien...

    .

    Dehors il fait grand bleu mais la brise soupire

    Vent qui soupire n’a pas ce qu’il désire

    (Maxime aménagée car on chercherait en vain

    le coeur du vent dont la rose est fictive !)

    Que peut bien désirer le vent – je m’interroge 

    Est-il malheureux d’une trop grande liberté

    Ou de son langage incontestablement mal 

    articulé, plutôt rudimentaire - avouons-le ?

     

    Voici l’aube qui vient voici midi voici le soir

    La nuit avec les feuilles qui chuchotent dans le noir 

    Les vingt-quatre sont bouclées mais rien

    ne change Aux angles des fenêtres périodiquement

    une plainte se déchire pitoyable, inexplicable

    Comme une sorte d’écho à l’invisible peine qui 

    sans bonheur ni malheur persécute mon coeur

    lequel est fatigué d’en devoir faire des poèmes...

     

     


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  • Le deux - la vie
    .
    En haut l’écureuil côté soleil, le singe côté ciel
    En bas le crabe côté mer, côté terre la tortue
    .
    Tout est dualités balisant mon espace écrit...
    Au clos des Chênes-verts la dame qui taillait
    .
    les rosiers t’avait offert (à toi bambin haut comme
    quat’pommes) un tronçon de gourmand superflu
    .
    pour que tu le plantes dans le petit coin vide
    qu’on t’avait affecté - ce que, pénétré de cette
    .
    mission, tu as fait en enfonçant (comme en vue
    d’une future partie de croquet) les deux bouts
    .
    dans le sol meuble pour former un arceau
    auquel on n’a plus pensé jusqu’au printemps
    .
    En mai la dame du jardin m’a dit «Viens voir :
    Je n’aurais pas cru que ta bouture aurait pris ! »
    .
    La ronce avait si bien verdi des deux côtés
    que plus tard on la coupa en son milieu de sorte
    .
    qu’ont poussé des jumeaux parallèles : deux ans
    plus tard entortillés le long de leurs tuteurs
    .
    Ils m’avaient dépassé de loin et se couvraient
    d’une délirante floraison de roses pompon
    .
    qui embauma tout le secteur, faisant verdir
    de jalousie persil laitues poireaux et autre choux
    .
    dont la foule entourait le carré reculé - à moi
    concédé pour jardiner «comme les grands» !


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  •  

    Oisiveté heureuse

    .

    L’air bleu acier 

    a taillé la montagne

    à coups de serpe

    (la lune peut-être?)

    .

    Il y a comme une chanson

    qui rôde dans le bois de pins

    Seul le petit renard au jabot clair

    en comprend les paroles

    .

    Assis comme La Fontaine 

    au dossier d’un tronc rugueux

    je repasse dans ma tête

    la troisième symphonie de Mahler

    .

    Les cigales complètent mes lacunes

     

     (08/2018-08/2020)


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  • Ne pouvant techniquement publier ces textes ici, j'en indique l'adresse :

    https://fr.calameo.com/books/0000546946fb4c76aa991


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