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Par Xavier.Bordes le 9 Janvier 2020 à 12:24
Enluminure noir et or
.
Avec le soleil du soir une étoile est tombée dans le vase en cristal où s’ennuient sur la table de la terrasse des fleurs apportées le jour de Noël par des visiteurs amis
.
La table elle-même est recouverte d’un plexiglas qui reflète à la manière d’une flaque d’eau le feston inversé des frondaisons serties dans l’ambre doré du ciel au ras des monts bleus
.
Des étages de longs cirrus claisemés s’étirent de l’est à l’ouest minces et clairs eux reçoivent encore la rougeur du soleil disparu Un alphabet noir de tourterelles ou de corbeaux
.
s’envole vers le sud vers la mer indigo en emportant, me dis-je, les derniers espoirs de la journée Il est à peine cinq heures et déjà le crépuscule assombrit la chambre où je m'active
.
L’étoile s’est éteinte dissoute dans l’eau du vase C’est à peine si je devine mes mains qui travaillent au noir Peut-être la nuit qui se densifie dehors entrera-t-elle flairer mon encre
.
Reconnaîtra-t-elle dans ce bâton chinois orné d’un dragon d’or la matière qui frottée au creux de la pierre reï avec quelques gouttes du ruisseau voisin parfume d’ambre gris toute l’atmosphère de la pièce ?
.
(1999-2019)
.
Tours d’ivoire
.
Aligner des phrases pleines de mirages, en un désert indéfiniment blanc, dénué de dunes et de subterfuges : étrange projet pour l’avatar d’un Syméon stylite en haut de sa colonne ironico-ionique – que j’ai souvent l’impression d’être. Comme lui,
.
je creuse, je creuse, sous la dictée d’une voix dont j’ignore la provenance. L’humus du langage me découvre l’une après l’autre ses strates : celle-ci d’argile rouge, celle-ci veine de charbon, plus bas l’avertissement d’une lave encore tiède.
.
Depuis peu, à force d’obstination, d’ailleurs risible, et de paroles quasi-calcinées, je sens que j’approche ride après ride, du Laboratoire Central. Alors, comme dans l’huile de lin bouillant à point d’un peintre qui mijote ses vernis, ma plume frise.
.
En naîtront des tableaux dont les couleurs, nappées de suc enrichi au baume de Venise, conserveront une inoxydable fraîcheur, à la manière de ces papillons retrouvés au coeur de blocs d’ambre mêlés au sable des plages de la mer Baltique.
.
Protégés par leur parfum, leur infrangible transparence, leur silence d’or et leur absolue inutilité, mes poèmes dormiront, parfois réunis à titre décoratif sur l’étagère d’un amateur distingué, dans la solitude propre à leur inaccessible vérité.
.
Invulnérable
.
Avec les années, rocher livré aux assauts de la houle, mon imaginaire s’érode. Un jour l’onde du temps, cette Salomé, réclamera carrément ma tête. Fini de jouer alors, même médiocrement (ainsi qu’on me le reproche), avec les mots.
.
D’ici là, face à la porte-fenêtre, dans les carreaux je déchiffre des verdures inertes - laurier, olivier, chênes et pins -, assorties d’une grisaille laiteuse en guise de toile de fond, comme si je n’avais plus assez de l’énergie divine qui me permettait d’azurer le dais céleste.
.
Bien compliqué, ce monde ! Plus encore, après trois-quarts de siècle. Déjà Méduse a commencé de pétrifier la chère guenille que nous habitons. Raidis, nos membres méritent le nom de « vieille branche » par lequel nous saluent ceux de notre génération !
.
Indifférents à l’espoir comme au désespoir, l’âme trempée comme acier de Tolède dans le torrent glacé des jours, voici que nous contemplons l’univers qui nous contemple : malgré l’avancée du Désastre et les efforts de l’humanité, sa beauté ne se dégrade point.
Ça ne s’améliore pas
.
Jadis, l’on avait un ciel d’où descendaient anges
divinités Pères Noël météores et sylphes divers
aux haleines de seringas et d’orangers À présent
tout ce qu’on peut attendre du ciel ce seront
des missiles des ouragans des grêlons géants
Rien de bon, en somme, il faut bien l’avouer
depuis que l’humanité est devenue « moderne » !...
.
Qui ?
.
Qui frappe ce soir, qui frappe aux portes
De la nuit ? Qui, aux vantaux constellés
d’astres frissonnants comme agonies
de chouettes blanches par superstition
crucifiées aux battants d'une grange ?
Sorti un moment, j'ai pu expérimenter
l'emprise pétrifiante de décembre, l'air
acide agité d'ombres indéfinissables,
et colporteur de rumeurs suffisamment
indistinctes pour décourager quiconque
aurait voulu savoir si elles sont fondées !
La lune feignait de dissimuler sa bouille
asiatique derrière un réseau de ramures
dénudées afin d'espionner mes gestes,
tout comme si je projetais quelque crime
à la faveur de l’obscurité bleuissante. Or
je n'avais d'autre intention que de rêver
quelques minutes en humant l'air froid
environné des silhouettes fantastiques
des futaies du parc, avant de retourner
dans la maison au chaud écrire, encore
et encore puisque rien d'autre désormais
n'est resté au vieux désabusé que je suis.
À la mémoire d’Ulysse
.
Aleph ou délice, tu brilles dans mon souvenir
Ulysse, avec le grand ange doré la main posée
sur la poignée de la porte et le premier rayon
de l’aube qui miroite aux carreaux de la cuisine
.
Ding les cloches Dang les cloches Ding-dong
au clocher brillant sur lequel est posé le petit
héron doré comme une bergamote Capricieux
les souffles à l’odeur de menthe lui rebroussent
.
de temps en temps la plume alors qu’à l’horizon
Notre Mer thalassante édifie ses briques d’écume
jusqu’aux nuages bas qui chaloupent sur l’azur
Et je rêve comme toi, Ulysse, de cette chapelle
.
de Sainte Parascève où murmure jour et nuit
comme un ruisseau doucement plaintif et pur
dans le silence mystérieux des oliviers sauvages
l’influx inhumain d’un présent qui n’a pas de fin
Galets polis
.
Quoique dans la promiscuité
de milliers de ses pareils
chacun des galets de la plage
emprisonne en son coeur noir
des éons de solitude
.
Le plus étrange est que toutes
ces solitudes qui macèrent en des coeurs
de pierre n’en font qu’une
mystique immense inaccessible
Non moins inexplicable
.
que la mélodie d’un chant venu
du fond de l’âme immémoriale
d’un peuple humilié quand elle suscite
en toute personne qui l’écoute
alors qu’on sombre dans le crépuscule
.
un élan d’ineffable nostalgie…
Transe et mutation
.
Les champignons distillent dans leur sein
la subtile senteur du terreau détrempé
On la reconnaît comme une promesse
On songe à la clémente nuit minérale
À son attirante douceur qui recueille…
.
Pour ma part cependant je lui préfère
l’emportement du vent survolant la mer
grand trousseur de jupons d’écume
C'est à lui le voyageur le doux le violent
l'impénitent bavard enjôleur de forêts
que le plus volontiers je confierais ma future
fumée selon les mots d'un poète ascète
Ainsi m'envolerai-je avec les mouettes
de la lumière et me disperserai-je urbi
et orbi - changé en pollen de soleil levant
.
.
Asakusa Tatori
.
Le petit chat blanc accroupi
sur le rebord de la fenêtre
contemple pensif le bourg
surmonté du volcan sacré
Un long vol d’oies sauvages
zigzague vers les rougeurs
de l’horizon Est-ce crépuscule
du soir ou du matin Mystère !
Le Fuji-san et le chat songeur
veillent tous deux au bord
de l’éternel présent et n’ont
manifestement pas la moindre
intention d’émigrer autre part.
Doppelgänger
.
Doucement j'entends que bat mon coeur
à travers la brutalité du néant
Minutes d’insupportable silence
où l'on a l'impression que l'avenir
et même le présent vont se dérober sous nos pieds
Une carpette qu'on tire au passage
comme dans les dessins animés
pour que trébuche une personne
qu'on ne connaît pas mais qui déplaît
peut-être simplement du fait d’assumer le rôle de miroir
où se profile tout ce que nous détestons
de notre propre personne
quand on la découvre confrontée
Enluminure noir et or
.
Avec le soleil du soir une étoile est tombée dans le vase en cristal où s’ennuient sur la table de la terrasse des fleurs apportées le jour de Noël par des visiteurs amis
.
La table elle-même est recouverte d’un plexiglas qui reflète à la manière d’une flaque d’eau le feston inversé des frondaisons serties dans l’ambre doré du ciel au ras des monts bleus
.
Des étages de longs cirrus claisemés s’étirent de l’est à l’ouest minces et clairs eux reçoivent encore la rougeur du soleil disparu Un alphabet noir de tourterelles ou de corbeaux
.
s’envole vers le sud vers la mer indigo en emportant, me dis-je, les derniers espoirs de la journée Il est à peine cinq heures et déjà le crépuscule assombrit la chambre où je m’active
.
L’étoile s’est éteinte dissoute dans l’eau du vase C’est à peine si je devine mes mains qui travaillent au noir Peut-être la nuit qui se densifie dehors entrera-t-elle flairer mon encre
.
Reconnaîtra-t-elle dans le bâton chinois orné d’un dragon d’or la matière qui frottée au creux de la pierre reï avec quelques gouttes du ruisseau voisin parfume d’ambre gris toute l’atmosphère de la pièce ?
.
(1999-2019)
version en blog :
Enluminure noir et or
.
Avec le soleil du soir une étoile est tombée dans le vase en cristal où s’ennuient sur la table de la terrasse des fleurs apportées le jour de Noël par des visiteurs amis
.
La table elle-même est recouverte d’un plexiglas qui reflète à la manière d’une flaque d’eau le feston inversé des frondaisons serties dans l’ambre doré du ciel au ras des monts bleus
.
Des étages de longs cirrus claisemés s’étirent de l’est à l’ouest minces et clairs eux reçoivent encore la rougeur du soleil disparu Un alphabet noir de tourterelles ou de corbeaux
.
s’envole vers le sud vers la mer indigo en emportant, me dis-je, les derniers espoirs de la journée Il est à peine cinq heures et déjà le crépuscule assombrit la chambre où je m'active
.
L’étoile s’est éteinte dissoute dans l’eau du vase C’est à peine si je devine mes mains qui travaillent au noir Peut-être la nuit qui se densifie dehors entrera-t-elle flairer mon encre
.
Reconnaîtra-t-elle dans ce bâton chinois orné d’un dragon d’or la matière qui frottée au creux de la pierre reï avec quelques gouttes du ruisseau voisin parfume d’ambre gris toute l’atmosphère de la pièce ?
.
(1999-2019)
.
Tours d’ivoire
.
Aligner des phrases pleines de mirages, en un désert indéfiniment blanc, dénué de dunes et de subterfuges : étrange projet pour l’avatar d’un Syméon stylite en haut de sa colonne ironico-ionique – que j’ai souvent l’impression d’être. Comme lui,
.
je creuse, je creuse, sous la dictée d’une voix dont j’ignore la provenance. L’humus du langage me découvre l’une après l’autre ses strates : celle-ci d’argile rouge, celle-ci veine de charbon, plus bas l’avertissement d’une lave encore tiède.
.
Depuis peu, à force d’obstination, d’ailleurs risible, et de paroles quasi-calcinées, je sens que j’approche ride après ride, du Laboratoire Central. Alors, comme dans l’huile de lin bouillant à point d’un peintre qui mijote ses vernis, ma plume frise.
.
En naîtront des tableaux dont les couleurs, nappées de suc enrichi au baume de Venise, conserveront une inoxydable fraîcheur, à la manière de ces papillons retrouvés au coeur de blocs d’ambre mêlés au sable des plages de la mer Baltique.
.
Protégés par leur parfum, leur infrangible transparence, leur silence d’or et leur absolue inutilité, mes poèmes dormiront, parfois réunis à titre décoratif sur l’étagère d’un amateur distingué, dans la solitude propre à leur inaccessible vérité.
.
Invulnérable
.
Avec les années, rocher livré aux assauts de la houle, mon imaginaire s’érode. Un jour l’onde du temps, cette Salomé, réclamera carrément ma tête. Fini de jouer alors, même médiocrement (ainsi qu’on me le reproche), avec les mots.
.
D’ici là, face à la porte-fenêtre, dans les carreaux je déchiffre des verdures inertes - laurier, olivier, chênes et pins -, assorties d’une grisaille laiteuse en guise de toile de fond, comme si je n’avais plus assez de l’énergie divine qui me permettait d’azurer le dais céleste.
.
Bien compliqué, ce monde ! Plus encore, après trois-quarts de siècle. Déjà Méduse a commencé de pétrifier la chère guenille que nous habitons. Raidis, nos membres méritent le nom de « vieille branche » par lequel nous saluent ceux de notre génération !
.
Indifférents à l’espoir comme au désespoir, l’âme trempée comme acier de Tolède dans le torrent glacé des jours, voici que nous contemplons l’univers qui nous contemple : malgré l’avancée du Désastre et les efforts de l’humanité, sa beauté ne se dégrade point.
Ça ne s’améliore pas
.
Jadis, l’on avait un ciel d’où descendaient anges
divinités Pères Noël météores et sylphes divers
aux haleines de seringas et d’orangers À présent
tout ce qu’on peut attendre du ciel ce seront
des missiles des ouragans des grêlons géants
Rien de bon, en somme, il faut bien l’avouer
depuis que l’humanité est devenue « moderne » !...
.
Qui ?
.
Qui frappe ce soir, qui frappe aux portes
De la nuit ? Qui, aux vantaux constellés
d’astres frissonnants comme agonies
de chouettes blanches par superstition
crucifiées aux battants d'une grange ?
Sorti un moment, j'ai pu expérimenter
l'emprise pétrifiante de décembre, l'air
acide agité d'ombres indéfinissables,
et colporteur de rumeurs suffisamment
indistinctes pour décourager quiconque
aurait voulu savoir si elles sont fondées !
La lune feignait de dissimuler sa bouille
asiatique derrière un réseau de ramures
dénudées afin d'espionner mes gestes,
tout comme si je projetais quelque crime
à la faveur de l’obscurité bleuissante. Or
je n'avais d'autre intention que de rêver
quelques minutes en humant l'air froid
environné des silhouettes fantastiques
des futaies du parc, avant de retourner
dans la maison au chaud écrire, encore
et encore puisque rien d'autre désormais
n'est resté au vieux désabusé que je suis.
À la mémoire d’Ulysse
.
Aleph ou délice, tu brilles dans mon souvenir
Ulysse, avec le grand ange doré la main posée
sur la poignée de la porte et le premier rayon
de l’aube qui miroite aux carreaux de la cuisine
.
Ding les cloches Dang les cloches Ding-dong
au clocher brillant sur lequel est posé le petit
héron doré comme une bergamote Capricieux
les souffles à l’odeur de menthe lui rebroussent
.
de temps en temps la plume alors qu’à l’horizon
Notre Mer thalassante édifie ses briques d’écume
jusqu’aux nuages bas qui chaloupent sur l’azur
Et je rêve comme toi, Ulysse, de cette chapelle
.
de Sainte Parascève où murmure jour et nuit
comme un ruisseau doucement plaintif et pur
dans le silence mystérieux des oliviers sauvages
l’influx inhumain d’un présent qui n’a pas de fin
Galets polis
.
Quoique dans la promiscuité
de milliers de ses pareils
chacun des galets de la plage
emprisonne en son coeur noir
des éons de solitude
.
Le plus étrange est que toutes
ces solitudes qui macèrent en des coeurs
de pierre n’en font qu’une
mystique immense inaccessible
Non moins inexplicable
.
que la mélodie d’un chant venu
du fond de l’âme immémoriale
d’un peuple humilié quand elle suscite
en toute personne qui l’écoute
alors qu’on sombre dans le crépuscule
.
un élan d’ineffable nostalgie…
Transe et mutation
.
Les champignons distillent dans leur sein
la subtile senteur du terreau détrempé
On la reconnaît comme une promesse
On songe à la clémente nuit minérale
À son attirante douceur qui recueille…
.
Pour ma part cependant je lui préfère
l’emportement du vent survolant la mer
grand trousseur de jupons d’écume
C'est à lui le voyageur le doux le violent
l'impénitent bavard enjôleur de forêts
que le plus volontiers je confierais ma future
fumée selon les mots d'un poète ascète
Ainsi m'envolerai-je avec les mouettes
de la lumière et me disperserai-je urbi
et orbi - changé en pollen de soleil levant
.
.
Asakusa Tatori
.
Le petit chat blanc accroupi
sur le rebord de la fenêtre
contemple pensif le bourg
surmonté du volcan sacré
Un long vol d’oies sauvages
zigzague vers les rougeurs
de l’horizon Est-ce crépuscule
du soir ou du matin Mystère !
Le Fuji-san et le chat songeur
veillent tous deux au bord
de l’éternel présent et n’ont
manifestement pas la moindre
intention d’émigrer autre part.
Doppelgänger
.
Doucement j'entends que bat mon coeur
à travers la brutalité du néant
Minutes d’insupportable silence
où l'on a l'impression que l'avenir
et même le présent vont se dérober sous nos pieds
Une carpette qu'on tire au passage
comme dans les dessins animés
pour que trébuche une personne
qu'on ne connaît pas mais qui déplaît
peut-être simplement du fait d’assumer le rôle de miroir
où se profile tout ce que nous détestons
de notre propre personne
quand on la découvre confrontée
Enluminure noir et or
.
Avec le soleil du soir une étoile est tombée dans le vase en cristal où s’ennuient sur la table de la terrasse des fleurs apportées le jour de Noël par des visiteurs amis
.
La table elle-même est recouverte d’un plexiglas qui reflète à la manière d’une flaque d’eau le feston inversé des frondaisons serties dans l’ambre doré du ciel au ras des monts bleus
.
Des étages de longs cirrus claisemés s’étirent de l’est à l’ouest minces et clairs eux reçoivent encore la rougeur du soleil disparu Un alphabet noir de tourterelles ou de corbeaux
.
s’envole vers le sud vers la mer indigo en emportant, me dis-je, les derniers espoirs de la journée Il est à peine cinq heures et déjà le crépuscule assombrit la chambre où je m’active
.
L’étoile s’est éteinte dissoute dans l’eau du vase C’est à peine si je devine mes mains qui travaillent au noir Peut-être la nuit qui se densifie dehors entrera-t-elle flairer mon encre
.
Reconnaîtra-t-elle dans le bâton chinois orné d’un dragon d’or la matière qui frottée au creux de la pierre reï avec quelques gouttes du ruisseau voisin parfume d’ambre gris toute l’atmosphère de la pièce ?
.
(1999-2019)
version en blog :
Enluminure noir et or
.
Avec le soleil du soir une étoile est tombée dans le vase en cristal où s’ennuient sur la table de la terrasse des fleurs apportées le jour de Noël par des visiteurs amis
.
La table elle-même est recouverte d’un plexiglas qui reflète à la manière d’une flaque d’eau le feston inversé des frondaisons serties dans l’ambre doré du ciel au ras des monts bleus
.
Des étages de longs cirrus claisemés s’étirent de l’est à l’ouest minces et clairs eux reçoivent encore la rougeur du soleil disparu Un alphabet noir de tourterelles ou de corbeaux
.
s’envole vers le sud vers la mer indigo en emportant, me dis-je, les derniers espoirs de la journée Il est à peine cinq heures et déjà le crépuscule assombrit la chambre où je m'active
.
L’étoile s’est éteinte dissoute dans l’eau du vase C’est à peine si je devine mes mains qui travaillent au noir Peut-être la nuit qui se densifie dehors entrera-t-elle flairer mon encre
.
Reconnaîtra-t-elle dans ce bâton chinois orné d’un dragon d’or la matière qui frottée au creux de la pierre reï avec quelques gouttes du ruisseau voisin parfume d’ambre gris toute l’atmosphère de la pièce ?
.
(1999-2019)
.
Tours d’ivoire
.
Aligner des phrases pleines de mirages, en un désert indéfiniment blanc, dénué de dunes et de subterfuges : étrange projet pour l’avatar d’un Syméon stylite en haut de sa colonne ironico-ionique – que j’ai souvent l’impression d’être. Comme lui,
.
je creuse, je creuse, sous la dictée d’une voix dont j’ignore la provenance. L’humus du langage me découvre l’une après l’autre ses strates : celle-ci d’argile rouge, celle-ci veine de charbon, plus bas l’avertissement d’une lave encore tiède.
.
Depuis peu, à force d’obstination, d’ailleurs risible, et de paroles quasi-calcinées, je sens que j’approche ride après ride, du Laboratoire Central. Alors, comme dans l’huile de lin bouillant à point d’un peintre qui mijote ses vernis, ma plume frise.
.
En naîtront des tableaux dont les couleurs, nappées de suc enrichi au baume de Venise, conserveront une inoxydable fraîcheur, à la manière de ces papillons retrouvés au coeur de blocs d’ambre mêlés au sable des plages de la mer Baltique.
.
Protégés par leur parfum, leur infrangible transparence, leur silence d’or et leur absolue inutilité, mes poèmes dormiront, parfois réunis à titre décoratif sur l’étagère d’un amateur distingué, dans la solitude propre à leur inaccessible vérité.
.
Invulnérable
.
Avec les années, rocher livré aux assauts de la houle, mon imaginaire s’érode. Un jour l’onde du temps, cette Salomé, réclamera carrément ma tête. Fini de jouer alors, même médiocrement (ainsi qu’on me le reproche), avec les mots.
.
D’ici là, face à la porte-fenêtre, dans les carreaux je déchiffre des verdures inertes - laurier, olivier, chênes et pins -, assorties d’une grisaille laiteuse en guise de toile de fond, comme si je n’avais plus assez de l’énergie divine qui me permettait d’azurer le dais céleste.
.
Bien compliqué, ce monde ! Plus encore, après trois-quarts de siècle. Déjà Méduse a commencé de pétrifier la chère guenille que nous habitons. Raidis, nos membres méritent le nom de « vieille branche » par lequel nous saluent ceux de notre génération !
.
Indifférents à l’espoir comme au désespoir, l’âme trempée comme acier de Tolède dans le torrent glacé des jours, voici que nous contemplons l’univers qui nous contemple : malgré l’avancée du Désastre et les efforts de l’humanité, sa beauté ne se dégrade point.
Ça ne s’améliore pas
.
Jadis, l’on avait un ciel d’où descendaient anges
divinités Pères Noël météores et sylphes divers
aux haleines de seringas et d’orangers À présent
tout ce qu’on peut attendre du ciel ce seront
des missiles des ouragans des grêlons géants
Rien de bon, en somme, il faut bien l’avouer
depuis que l’humanité est devenue « moderne » !...
.
Qui ?
.
Qui frappe ce soir, qui frappe aux portes
De la nuit ? Qui, aux vantaux constellés
d’astres frissonnants comme agonies
de chouettes blanches par superstition
crucifiées aux battants d'une grange ?
Sorti un moment, j'ai pu expérimenter
l'emprise pétrifiante de décembre, l'air
acide agité d'ombres indéfinissables,
et colporteur de rumeurs suffisamment
indistinctes pour décourager quiconque
aurait voulu savoir si elles sont fondées !
La lune feignait de dissimuler sa bouille
asiatique derrière un réseau de ramures
dénudées afin d'espionner mes gestes,
tout comme si je projetais quelque crime
à la faveur de l’obscurité bleuissante. Or
je n'avais d'autre intention que de rêver
quelques minutes en humant l'air froid
environné des silhouettes fantastiques
des futaies du parc, avant de retourner
dans la maison au chaud écrire, encore
et encore puisque rien d'autre désormais
n'est resté au vieux désabusé que je suis.
À la mémoire d’Ulysse
.
Aleph ou délice, tu brilles dans mon souvenir
Ulysse, avec le grand ange doré la main posée
sur la poignée de la porte et le premier rayon
de l’aube qui miroite aux carreaux de la cuisine
.
Ding les cloches Dang les cloches Ding-dong
au clocher brillant sur lequel est posé le petit
héron doré comme une bergamote Capricieux
les souffles à l’odeur de menthe lui rebroussent
.
de temps en temps la plume alors qu’à l’horizon
Notre Mer thalassante édifie ses briques d’écume
jusqu’aux nuages bas qui chaloupent sur l’azur
Et je rêve comme toi, Ulysse, de cette chapelle
.
de Sainte Parascève où murmure jour et nuit
comme un ruisseau doucement plaintif et pur
dans le silence mystérieux des oliviers sauvages
l’influx inhumain d’un présent qui n’a pas de fin
Galets polis
.
Quoique dans la promiscuité
de milliers de ses pareils
chacun des galets de la plage
emprisonne en son coeur noir
des éons de solitude
.
Le plus étrange est que toutes
ces solitudes qui macèrent en des coeurs
de pierre n’en font qu’une
mystique immense inaccessible
Non moins inexplicable
.
que la mélodie d’un chant venu
du fond de l’âme immémoriale
d’un peuple humilié quand elle suscite
en toute personne qui l’écoute
alors qu’on sombre dans le crépuscule
.
un élan d’ineffable nostalgie…
Transe et mutation
.
Les champignons distillent dans leur sein
la subtile senteur du terreau détrempé
On la reconnaît comme une promesse
On songe à la clémente nuit minérale
À son attirante douceur qui recueille…
.
Pour ma part cependant je lui préfère
l’emportement du vent survolant la mer
grand trousseur de jupons d’écume
C'est à lui le voyageur le doux le violent
l'impénitent bavard enjôleur de forêts
que le plus volontiers je confierais ma future
fumée selon les mots d'un poète ascète
Ainsi m'envolerai-je avec les mouettes
de la lumière et me disperserai-je urbi
et orbi - changé en pollen de soleil levant
.
.
Asakusa Tatori
.
Le petit chat blanc accroupi
sur le rebord de la fenêtre
contemple pensif le bourg
surmonté du volcan sacré
Un long vol d’oies sauvages
zigzague vers les rougeurs
de l’horizon Est-ce crépuscule
du soir ou du matin Mystère !
Le Fuji-san et le chat songeur
veillent tous deux au bord
de l’éternel présent et n’ont
manifestement pas la moindre
intention d’émigrer autre part.
Enluminure noir et or
.
Avec le soleil du soir une étoile est tombée dans le vase en cristal où s’ennuient sur la table de la terrasse des fleurs apportées le jour de Noël par des visiteurs amis
.
La table elle-même est recouverte d’un plexiglas qui reflète à la manière d’une flaque d’eau le feston inversé des frondaisons serties dans l’ambre doré du ciel au ras des monts bleus
.
Des étages de longs cirrus claisemés s’étirent de l’est à l’ouest minces et clairs eux reçoivent encore la rougeur du soleil disparu Un alphabet noir de tourterelles ou de corbeaux
.
s’envole vers le sud vers la mer indigo en emportant, me dis-je, les derniers espoirs de la journée Il est à peine cinq heures et déjà le crépuscule assombrit la chambre où je m'active
.
L’étoile s’est éteinte dissoute dans l’eau du vase C’est à peine si je devine mes mains qui travaillent au noir Peut-être la nuit qui se densifie dehors entrera-t-elle flairer mon encre
.
Reconnaîtra-t-elle dans ce bâton chinois orné d’un dragon d’or la matière qui frottée au creux de la pierre reï avec quelques gouttes du ruisseau voisin parfume d’ambre gris toute l’atmosphère de la pièce ?
.
(1999-2019)
.
Tours d’ivoire
.
Aligner des phrases pleines de mirages, en un désert indéfiniment blanc, dénué de dunes et de subterfuges : étrange projet pour l’avatar d’un Syméon stylite en haut de sa colonne ironico-ionique – que j’ai souvent l’impression d’être. Comme lui,
.
je creuse, je creuse, sous la dictée d’une voix dont j’ignore la provenance. L’humus du langage me découvre l’une après l’autre ses strates : celle-ci d’argile rouge, celle-ci veine de charbon, plus bas l’avertissement d’une lave encore tiède.
.
Depuis peu, à force d’obstination, d’ailleurs risible, et de paroles quasi-calcinées, je sens que j’approche ride après ride, du Laboratoire Central. Alors, comme dans l’huile de lin bouillant à point d’un peintre qui mijote ses vernis, ma plume frise.
.
En naîtront des tableaux dont les couleurs, nappées de suc enrichi au baume de Venise, conserveront une inoxydable fraîcheur, à la manière de ces papillons retrouvés au coeur de blocs d’ambre mêlés au sable des plages de la mer Baltique.
.
Protégés par leur parfum, leur infrangible transparence, leur silence d’or et leur absolue inutilité, mes poèmes dormiront, parfois réunis à titre décoratif sur l’étagère d’un amateur distingué, dans la solitude propre à leur inaccessible vérité.
.
Invulnérable
.
Avec les années, rocher livré aux assauts de la houle, mon imaginaire s’érode. Un jour l’onde du temps, cette Salomé, réclamera carrément ma tête. Fini de jouer alors, même médiocrement (ainsi qu’on me le reproche), avec les mots.
.
D’ici là, face à la porte-fenêtre, dans les carreaux je déchiffre des verdures inertes - laurier, olivier, chênes et pins -, assorties d’une grisaille laiteuse en guise de toile de fond, comme si je n’avais plus assez de l’énergie divine qui me permettait d’azurer le dais céleste.
.
Bien compliqué, ce monde ! Plus encore, après trois-quarts de siècle. Déjà Méduse a commencé de pétrifier la chère guenille que nous habitons. Raidis, nos membres méritent le nom de « vieille branche » par lequel nous saluent ceux de notre génération !
.
Indifférents à l’espoir comme au désespoir, l’âme trempée comme acier de Tolède dans le torrent glacé des jours, voici que nous contemplons l’univers qui nous contemple : malgré l’avancée du Désastre et les efforts de l’humanité, sa beauté ne se dégrade point.
Ça ne s’améliore pas
.
Jadis, l’on avait un ciel d’où descendaient anges
divinités Pères Noël météores et sylphes divers
aux haleines de seringas et d’orangers À présent
tout ce qu’on peut attendre du ciel ce seront
des missiles des ouragans des grêlons géants
Rien de bon, en somme, il faut bien l’avouer
depuis que l’humanité est devenue « moderne » !...
.
Qui ?
.
Qui frappe ce soir, qui frappe aux portes
De la nuit ? Qui, aux vantaux constellés
d’astres frissonnants comme agonies
de chouettes blanches par superstition
crucifiées aux battants d'une grange ?
Sorti un moment, j'ai pu expérimenter
l'emprise pétrifiante de décembre, l'air
acide agité d'ombres indéfinissables,
et colporteur de rumeurs suffisamment
indistinctes pour décourager quiconque
aurait voulu savoir si elles sont fondées !
La lune feignait de dissimuler sa bouille
asiatique derrière un réseau de ramures
dénudées afin d'espionner mes gestes,
tout comme si je projetais quelque crime
à la faveur de l’obscurité bleuissante. Or
je n'avais d'autre intention que de rêver
quelques minutes en humant l'air froid
environné des silhouettes fantastiques
des futaies du parc, avant de retourner
dans la maison au chaud écrire, encore
et encore puisque rien d'autre désormais
n'est resté au vieux désabusé que je suis.
À la mémoire d’Ulysse
.
Aleph ou délice, tu brilles dans mon souvenir
Ulysse, avec le grand ange doré la main posée
sur la poignée de la porte et le premier rayon
de l’aube qui miroite aux carreaux de la cuisine
.
Ding les cloches Dang les cloches Ding-dong
au clocher brillant sur lequel est posé le petit
héron doré comme une bergamote Capricieux
les souffles à l’odeur de menthe lui rebroussent
.
de temps en temps la plume alors qu’à l’horizon
Notre Mer thalassante édifie ses briques d’écume
jusqu’aux nuages bas qui chaloupent sur l’azur
Et je rêve comme toi, Ulysse, de cette chapelle
.
de Sainte Parascève où murmure jour et nuit
comme un ruisseau doucement plaintif et pur
dans le silence mystérieux des oliviers sauvages
l’influx inhumain d’un présent qui n’a pas de fin
Galets polis
.
Quoique dans la promiscuité
de milliers de ses pareils
chacun des galets de la plage
emprisonne en son coeur noir
des éons de solitude
.
Le plus étrange est que toutes
ces solitudes qui macèrent en des coeurs
de pierre n’en font qu’une
mystique immense inaccessible
Non moins inexplicable
.
que la mélodie d’un chant venu
du fond de l’âme immémoriale
d’un peuple humilié quand elle suscite
en toute personne qui l’écoute
alors qu’on sombre dans le crépuscule
.
un élan d’ineffable nostalgie…
Transe et mutation
.
Les champignons distillent dans leur sein
la subtile senteur du terreau détrempé
On la reconnaît comme une promesse
On songe à la clémente nuit minérale
À son attirante douceur qui recueille…
.
Pour ma part cependant je lui préfère
l’emportement du vent survolant la mer
grand trousseur de jupons d’écume
C'est à lui le voyageur le doux le violent
l'impénitent bavard enjôleur de forêts
que le plus volontiers je confierais ma future
fumée selon les mots d'un poète ascète
Ainsi m'envolerai-je avec les mouettes
de la lumière et me disperserai-je urbi
et orbi - changé en pollen de soleil levant
.
.
Asakusa Tatori
.
Le petit chat blanc accroupi
sur le rebord de la fenêtre
contemple pensif le bourg
surmonté du volcan sacré
Un long vol d’oies sauvages
zigzague vers les rougeurs
de l’horizon Est-ce crépuscule
du soir ou du matin Mystère !
Le Fuji-san et le chat songeur
veillent tous deux au bord
de l’éternel présent et n’ont
manifestement pas la moindre
intention d’émigrer autre part.
Doppelgänger
.
Doucement j'entends que bat mon coeur
à travers la brutalité du néant
Minutes d’insupportable silence
où l'on a l'impression que l'avenir
et même le présent vont se dérober sous nos pieds
Une carpette qu'on tire au passage
comme dans les dessins animés
pour que trébuche une personne
qu'on ne connaît pas mais qui déplaît
peut-être simplement du fait d’assumer le rôle de miroir
où se profile tout ce que nous détestons
de notre propre personne
quand on la découvre confrontée
Enluminure noir et or
.
Avec le soleil du soir une étoile est tombée dans le vase en cristal où s’ennuient sur la table de la terrasse des fleurs apportées le jour de Noël par des visiteurs amis
.
La table elle-même est recouverte d’un plexiglas qui reflète à la manière d’une flaque d’eau le feston inversé des frondaisons serties dans l’ambre doré du ciel au ras des monts bleus
.
Des étages de longs cirrus claisemés s’étirent de l’est à l’ouest minces et clairs eux reçoivent encore la rougeur du soleil disparu Un alphabet noir de tourterelles ou de corbeaux
.
s’envole vers le sud vers la mer indigo en emportant, me dis-je, les derniers espoirs de la journée Il est à peine cinq heures et déjà le crépuscule assombrit la chambre où je m’active
.
L’étoile s’est éteinte dissoute dans l’eau du vase C’est à peine si je devine mes mains qui travaillent au noir Peut-être la nuit qui se densifie dehors entrera-t-elle flairer mon encre
.
Reconnaîtra-t-elle dans le bâton chinois orné d’un dragon d’or la matière qui frottée au creux de la pierre reï avec quelques gouttes du ruisseau voisin parfume d’ambre gris toute l’atmosphère de la pièce ?
.
(1999-2019)
version en blog :
Enluminure noir et or
.
Avec le soleil du soir une étoile est tombée dans le vase en cristal où s’ennuient sur la table de la terrasse des fleurs apportées le jour de Noël par des visiteurs amis
.
La table elle-même est recouverte d’un plexiglas qui reflète à la manière d’une flaque d’eau le feston inversé des frondaisons serties dans l’ambre doré du ciel au ras des monts bleus
.
Des étages de longs cirrus claisemés s’étirent de l’est à l’ouest minces et clairs eux reçoivent encore la rougeur du soleil disparu Un alphabet noir de tourterelles ou de corbeaux
.
s’envole vers le sud vers la mer indigo en emportant, me dis-je, les derniers espoirs de la journée Il est à peine cinq heures et déjà le crépuscule assombrit la chambre où je m'active
.
L’étoile s’est éteinte dissoute dans l’eau du vase C’est à peine si je devine mes mains qui travaillent au noir Peut-être la nuit qui se densifie dehors entrera-t-elle flairer mon encre
.
Reconnaîtra-t-elle dans ce bâton chinois orné d’un dragon d’or la matière qui frottée au creux de la pierre reï avec quelques gouttes du ruisseau voisin parfume d’ambre gris toute l’atmosphère de la pièce ?
.
(1999-2019)
.
Tours d’ivoire
.
Aligner des phrases pleines de mirages, en un désert indéfiniment blanc, dénué de dunes et de subterfuges : étrange projet pour l’avatar d’un Syméon stylite en haut de sa colonne ironico-ionique – que j’ai souvent l’impression d’être. Comme lui,
.
je creuse, je creuse, sous la dictée d’une voix dont j’ignore la provenance. L’humus du langage me découvre l’une après l’autre ses strates : celle-ci d’argile rouge, celle-ci veine de charbon, plus bas l’avertissement d’une lave encore tiède.
.
Depuis peu, à force d’obstination, d’ailleurs risible, et de paroles quasi-calcinées, je sens que j’approche ride après ride, du Laboratoire Central. Alors, comme dans l’huile de lin bouillant à point d’un peintre qui mijote ses vernis, ma plume frise.
.
En naîtront des tableaux dont les couleurs, nappées de suc enrichi au baume de Venise, conserveront une inoxydable fraîcheur, à la manière de ces papillons retrouvés au coeur de blocs d’ambre mêlés au sable des plages de la mer Baltique.
.
Protégés par leur parfum, leur infrangible transparence, leur silence d’or et leur absolue inutilité, mes poèmes dormiront, parfois réunis à titre décoratif sur l’étagère d’un amateur distingué, dans la solitude propre à leur inaccessible vérité.
.
Invulnérable
.
Avec les années, rocher livré aux assauts de la houle, mon imaginaire s’érode. Un jour l’onde du temps, cette Salomé, réclamera carrément ma tête. Fini de jouer alors, même médiocrement (ainsi qu’on me le reproche), avec les mots.
.
D’ici là, face à la porte-fenêtre, dans les carreaux je déchiffre des verdures inertes - laurier, olivier, chênes et pins -, assorties d’une grisaille laiteuse en guise de toile de fond, comme si je n’avais plus assez de l’énergie divine qui me permettait d’azurer le dais céleste.
.
Bien compliqué, ce monde ! Plus encore, après trois-quarts de siècle. Déjà Méduse a commencé de pétrifier la chère guenille que nous habitons. Raidis, nos membres méritent le nom de « vieille branche » par lequel nous saluent ceux de notre génération !
.
Indifférents à l’espoir comme au désespoir, l’âme trempée comme acier de Tolède dans le torrent glacé des jours, voici que nous contemplons l’univers qui nous contemple : malgré l’avancée du Désastre et les efforts de l’humanité, sa beauté ne se dégrade point.
Ça ne s’améliore pas
.
Jadis, l’on avait un ciel d’où descendaient anges
divinités Pères Noël météores et sylphes divers
aux haleines de seringas et d’orangers À présent
tout ce qu’on peut attendre du ciel ce seront
des missiles des ouragans des grêlons géants
Rien de bon, en somme, il faut bien l’avouer
depuis que l’humanité est devenue « moderne » !...
.
Qui ?
.
Qui frappe ce soir, qui frappe aux portes
De la nuit ? Qui, aux vantaux constellés
d’astres frissonnants comme agonies
de chouettes blanches par superstition
crucifiées aux battants d'une grange ?
Sorti un moment, j'ai pu expérimenter
l'emprise pétrifiante de décembre, l'air
acide agité d'ombres indéfinissables,
et colporteur de rumeurs suffisamment
indistinctes pour décourager quiconque
aurait voulu savoir si elles sont fondées !
La lune feignait de dissimuler sa bouille
asiatique derrière un réseau de ramures
dénudées afin d'espionner mes gestes,
tout comme si je projetais quelque crime
à la faveur de l’obscurité bleuissante. Or
je n'avais d'autre intention que de rêver
quelques minutes en humant l'air froid
environné des silhouettes fantastiques
des futaies du parc, avant de retourner
dans la maison au chaud écrire, encore
et encore puisque rien d'autre désormais
n'est resté au vieux désabusé que je suis.
À la mémoire d’Ulysse
.
Aleph ou délice, tu brilles dans mon souvenir
Ulysse, avec le grand ange doré la main posée
sur la poignée de la porte et le premier rayon
de l’aube qui miroite aux carreaux de la cuisine
.
Ding les cloches Dang les cloches Ding-dong
au clocher brillant sur lequel est posé le petit
héron doré comme une bergamote Capricieux
les souffles à l’odeur de menthe lui rebroussent
.
de temps en temps la plume alors qu’à l’horizon
Notre Mer thalassante édifie ses briques d’écume
jusqu’aux nuages bas qui chaloupent sur l’azur
Et je rêve comme toi, Ulysse, de cette chapelle
.
de Sainte Parascève où murmure jour et nuit
comme un ruisseau doucement plaintif et pur
dans le silence mystérieux des oliviers sauvages
l’influx inhumain d’un présent qui n’a pas de fin
Galets polis
.
Quoique dans la promiscuité
de milliers de ses pareils
chacun des galets de la plage
emprisonne en son coeur noir
des éons de solitude
.
Le plus étrange est que toutes
ces solitudes qui macèrent en des coeurs
de pierre n’en font qu’une
mystique immense inaccessible
Non moins inexplicable
.
que la mélodie d’un chant venu
du fond de l’âme immémoriale
d’un peuple humilié quand elle suscite
en toute personne qui l’écoute
alors qu’on sombre dans le crépuscule
.
un élan d’ineffable nostalgie…
Transe et mutation
.
Les champignons distillent dans leur sein
la subtile senteur du terreau détrempé
On la reconnaît comme une promesse
On songe à la clémente nuit minérale
À son attirante douceur qui recueille…
.
Pour ma part cependant je lui préfère
l’emportement du vent survolant la mer
grand trousseur de jupons d’écume
C'est à lui le voyageur le doux le violent
l'impénitent bavard enjôleur de forêts
que le plus volontiers je confierais ma future
fumée selon les mots d'un poète ascète
Ainsi m'envolerai-je avec les mouettes
de la lumière et me disperserai-je urbi
et orbi - changé en pollen de soleil levant
.
.
Asakusa Tatori
.
Le petit chat blanc accroupi
sur le rebord de la fenêtre
contemple pensif le bourg
surmonté du volcan sacré
Un long vol d’oies sauvages
zigzague vers les rougeurs
de l’horizon Est-ce crépuscule
du soir ou du matin Mystère !
Le Fuji-san et le chat songeur
veillent tous deux au bord
de l’éternel présent et n’ont
manifestement pas la moindre
intention d’émigrer autre part.
Doppelgänger
.
Doucement j'entends que bat mon coeur
à travers la brutalité du néant
Minutes d’insupportable silence
où l'on a l'impression que l'avenir
et même le présent vont se dérober sous nos pieds
Une carpette qu'on tire au passage
comme dans les dessins animés
pour que trébuche une personne
qu'on ne connaît pas mais qui déplaît
peut-être simplement du fait d’assumer le rôle de miroir
où se profile tout ce que nous détestons
de notre propre personne
quand on la découvre confrontée
Enluminure noir et or
.
Avec le soleil du soir une étoile est tombée dans le vase en cristal où s’ennuient sur la table de la terrasse des fleurs apportées le jour de Noël par des visiteurs amis
.
La table elle-même est recouverte d’un plexiglas qui reflète à la manière d’une flaque d’eau le feston inversé des frondaisons serties dans l’ambre doré du ciel au ras des monts bleus
.
Des étages de longs cirrus claisemés s’étirent de l’est à l’ouest minces et clairs eux reçoivent encore la rougeur du soleil disparu Un alphabet noir de tourterelles ou de corbeaux
.
s’envole vers le sud vers la mer indigo en emportant, me dis-je, les derniers espoirs de la journée Il est à peine cinq heures et déjà le crépuscule assombrit la chambre où je m’active
.
L’étoile s’est éteinte dissoute dans l’eau du vase C’est à peine si je devine mes mains qui travaillent au noir Peut-être la nuit qui se densifie dehors entrera-t-elle flairer mon encre
.
Reconnaîtra-t-elle dans le bâton chinois orné d’un dragon d’or la matière qui frottée au creux de la pierre reï avec quelques gouttes du ruisseau voisin parfume d’ambre gris toute l’atmosphère de la pièce ?
.
(1999-2019)
version en blog :
Enluminure noir et or
.
Avec le soleil du soir une étoile est tombée dans le vase en cristal où s’ennuient sur la table de la terrasse des fleurs apportées le jour de Noël par des visiteurs amis
.
La table elle-même est recouverte d’un plexiglas qui reflète à la manière d’une flaque d’eau le feston inversé des frondaisons serties dans l’ambre doré du ciel au ras des monts bleus
.
Des étages de longs cirrus claisemés s’étirent de l’est à l’ouest minces et clairs eux reçoivent encore la rougeur du soleil disparu Un alphabet noir de tourterelles ou de corbeaux
.
s’envole vers le sud vers la mer indigo en emportant, me dis-je, les derniers espoirs de la journée Il est à peine cinq heures et déjà le crépuscule assombrit la chambre où je m'active
.
L’étoile s’est éteinte dissoute dans l’eau du vase C’est à peine si je devine mes mains qui travaillent au noir Peut-être la nuit qui se densifie dehors entrera-t-elle flairer mon encre
.
Reconnaîtra-t-elle dans ce bâton chinois orné d’un dragon d’or la matière qui frottée au creux de la pierre reï avec quelques gouttes du ruisseau voisin parfume d’ambre gris toute l’atmosphère de la pièce ?
.
(1999-2019)
.
Tours d’ivoire
.
Aligner des phrases pleines de mirages, en un désert indéfiniment blanc, dénué de dunes et de subterfuges : étrange projet pour l’avatar d’un Syméon stylite en haut de sa colonne ironico-ionique – que j’ai souvent l’impression d’être. Comme lui,
.
je creuse, je creuse, sous la dictée d’une voix dont j’ignore la provenance. L’humus du langage me découvre l’une après l’autre ses strates : celle-ci d’argile rouge, celle-ci veine de charbon, plus bas l’avertissement d’une lave encore tiède.
.
Depuis peu, à force d’obstination, d’ailleurs risible, et de paroles quasi-calcinées, je sens que j’approche ride après ride, du Laboratoire Central. Alors, comme dans l’huile de lin bouillant à point d’un peintre qui mijote ses vernis, ma plume frise.
.
En naîtront des tableaux dont les couleurs, nappées de suc enrichi au baume de Venise, conserveront une inoxydable fraîcheur, à la manière de ces papillons retrouvés au coeur de blocs d’ambre mêlés au sable des plages de la mer Baltique.
.
Protégés par leur parfum, leur infrangible transparence, leur silence d’or et leur absolue inutilité, mes poèmes dormiront, parfois réunis à titre décoratif sur l’étagère d’un amateur distingué, dans la solitude propre à leur inaccessible vérité.
.
Invulnérable
.
Avec les années, rocher livré aux assauts de la houle, mon imaginaire s’érode. Un jour l’onde du temps, cette Salomé, réclamera carrément ma tête. Fini de jouer alors, même médiocrement (ainsi qu’on me le reproche), avec les mots.
.
D’ici là, face à la porte-fenêtre, dans les carreaux je déchiffre des verdures inertes - laurier, olivier, chênes et pins -, assorties d’une grisaille laiteuse en guise de toile de fond, comme si je n’avais plus assez de l’énergie divine qui me permettait d’azurer le dais céleste.
.
Bien compliqué, ce monde ! Plus encore, après trois-quarts de siècle. Déjà Méduse a commencé de pétrifier la chère guenille que nous habitons. Raidis, nos membres méritent le nom de « vieille branche » par lequel nous saluent ceux de notre génération !
.
Indifférents à l’espoir comme au désespoir, l’âme trempée comme acier de Tolède dans le torrent glacé des jours, voici que nous contemplons l’univers qui nous contemple : malgré l’avancée du Désastre et les efforts de l’humanité, sa beauté ne se dégrade point.
Ça ne s’améliore pas
.
Jadis, l’on avait un ciel d’où descendaient anges
divinités Pères Noël météores et sylphes divers
aux haleines de seringas et d’orangers À présent
tout ce qu’on peut attendre du ciel ce seront
des missiles des ouragans des grêlons géants
Rien de bon, en somme, il faut bien l’avouer
depuis que l’humanité est devenue « moderne » !...
.
Qui ?
.
Qui frappe ce soir, qui frappe aux portes
De la nuit ? Qui, aux vantaux constellés
d’astres frissonnants comme agonies
de chouettes blanches par superstition
crucifiées aux battants d'une grange ?
Sorti un moment, j'ai pu expérimenter
l'emprise pétrifiante de décembre, l'air
acide agité d'ombres indéfinissables,
et colporteur de rumeurs suffisamment
indistinctes pour décourager quiconque
aurait voulu savoir si elles sont fondées !
La lune feignait de dissimuler sa bouille
asiatique derrière un réseau de ramures
dénudées afin d'espionner mes gestes,
tout comme si je projetais quelque crime
à la faveur de l’obscurité bleuissante. Or
je n'avais d'autre intention que de rêver
quelques minutes en humant l'air froid
environné des silhouettes fantastiques
des futaies du parc, avant de retourner
dans la maison au chaud écrire, encore
et encore puisque rien d'autre désormais
n'est resté au vieux désabusé que je suis.
À la mémoire d’Ulysse
.
Aleph ou délice, tu brilles dans mon souvenir
Ulysse, avec le grand ange doré la main posée
sur la poignée de la porte et le premier rayon
de l’aube qui miroite aux carreaux de la cuisine
.
Ding les cloches Dang les cloches Ding-dong
au clocher brillant sur lequel est posé le petit
héron doré comme une bergamote Capricieux
les souffles à l’odeur de menthe lui rebroussent
.
de temps en temps la plume alors qu’à l’horizon
Notre Mer thalassante édifie ses briques d’écume
jusqu’aux nuages bas qui chaloupent sur l’azur
Et je rêve comme toi, Ulysse, de cette chapelle
.
de Sainte Parascève où murmure jour et nuit
comme un ruisseau doucement plaintif et pur
dans le silence mystérieux des oliviers sauvages
l’influx inhumain d’un présent qui n’a pas de fin
Galets polis
.
Quoique dans la promiscuité
de milliers de ses pareils
chacun des galets de la plage
emprisonne en son coeur noir
des éons de solitude
.
Le plus étrange est que toutes
ces solitudes qui macèrent en des coeurs
de pierre n’en font qu’une
mystique immense inaccessible
Non moins inexplicable
.
que la mélodie d’un chant venu
du fond de l’âme immémoriale
d’un peuple humilié quand elle suscite
en toute personne qui l’écoute
alors qu’on sombre dans le crépuscule
.
un élan d’ineffable nostalgie…
Transe et mutation
.
Les champignons distillent dans leur sein
la subtile senteur du terreau détrempé
On la reconnaît comme une promesse
On songe à la clémente nuit minérale
À son attirante douceur qui recueille…
.
Pour ma part cependant je lui préfère
l’emportement du vent survolant la mer
grand trousseur de jupons d’écume
C'est à lui le voyageur le doux le violent
l'impénitent bavard enjôleur de forêts
que le plus volontiers je confierais ma future
fumée selon les mots d'un poète ascète
Ainsi m'envolerai-je avec les mouettes
de la lumière et me disperserai-je urbi
et orbi - changé en pollen de soleil levant
.
.
Asakusa Tatori
.
Le petit chat blanc accroupi
sur le rebord de la fenêtre
contemple pensif le bourg
surmonté du volcan sacré
Un long vol d’oies sauvages
zigzague vers les rougeurs
de l’horizon Est-ce crépuscule
du soir ou du matin Mystère !
Le Fuji-san et le chat songeur
veillent tous deux au bord
de l’éternel présent et n’ont
manifestement pas la moindre
intention d’émigrer autre part.
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Par Xavier.Bordes le 9 Janvier 2020 à 12:18
PORTRAIT D’AÏEUL
.
Il était du même bois que ces astrophysiciens
Qui voudraient trouver comment détecter la matière noire
Qui manque aux feux d’artifice des galaxies.
Son front depuis l’enfance était ridé par un effort
Inutile de l’intellect et l’absorption d’un fatras d’informations
Qu’il s’était efforcé de classer mentalement durant toute une vie.
.
Ah ! Les beautés fugaces du savoir, les chiffres, les formules,
Les Intégrales et les Corps de Galois… Jordan, Cauchy et Gauss…
Tout cet espoir de comprendre, enfoui dans les connections
De l’esprit qui voudrait s’égaler au cosmos impensable…
Puis la musique des sphères, Newton, le fa dièse
De la Terre et le silence des espaces infinis…
.
À présent, dans le bureau couvert de feuilles et de livres
Avec la maquette du navire aux voiles poussiéreuses,
Le joueur de flûte accroupi sur son genou d’ébène,
L’Astragalizonte dorée, avec sa main droite en suspens
Et les osselets invisibles, et la boule d’agate, souvenir
D’un voyage lointain, et le coupe-papier d’ivoire du Kabbaliste,
.
À présent, il méditait sur le silence, la mauvaise-volonté
Du langage à révéler ce qu’attendent les âmes,
Sur les songes de la sève qui lentement monte dans les pins,
La pluie ce doux acide universel et tellement limpide,
Sur la candeur des enfants qui font leurs premiers pas
Dans la neige d’hiver. Et sur la pierre qu’un Nom ennoblit.
.
Enigme du coeur et coeur de l’énigme
.
Que savez-vous de l’amour ? Demande-t-on.
Il est vrai que l’on n’en sait pas grand’chose :
Il se tient là au-milieu du désert de nos vies
tel un sphinx ou une pyramide à quatre faces,
mélange de mystère insoluble et de vérités…
.
Quand au coeur inconnaissable des Autres
d’une beauté aussi vivante qu’hermétique
il est plus impénétrable qu’un pharaon d’or
muré dans son triple sarcophage de silence
constellé de hiéroglyphes de corail et lapis ;
.
Même la langue maternelles ne sait presque
rien de ce souverain secret : il règne, ainsi
que sur une forêt le vent qui ne se laisse voir
que par ses effets mélodieux ou sauvages,
puisque son alchimie versatile amalgame
.
en nous les hormones du paradis et de l’enfer.
.
Un Ancien eût dit « mè hybris »
.
Appuyé contre l’amitié d’un grand pin
dont le fût a résisté aux tourments du vent
malgré l’air frisquet de janvier, je songe
en guettant les faits et gestes des oiseaux
ou autres animaux secrets des buissons…
.
Hier sur le carrelage ocre de la terrasse
apercevant une minuscule araignée j’ai
d’un pas de côté réussi à la laisser en vie
Je me dis que je deviens de plus en plus
jaïniste au fil des années Probablement
.
finirai-je « végane » quoiqu’il me semble
insuffisant de ne manger que des plantes
vu que ce sont également des êtres vivants
si j’en juge par le foisonnement de pensées
que le tronc me communique dès l’instant
.
où contre son écorce j’appose mon front
et que dire des idées apaisantes qu’offre
la verte sérénité d’une laitue aux feuilles
humides comme d’un poème qui vient de
s’écrire et dont l’encre est encore fraîche
.
Que faire alors pour ne pas mourir de faim ?
.
Relisant le « Portrait d’un étranger »...
.
Ma sympathie va tout droit vers les petits écureuils
que l’on entend s’affairer en grignotant parmi l’énorme
touffe des deux pins abattus par la tempête de décembre
.
Comme eux je vais chercher dans les ramifications
plus ou moins desséchées d’une vie abattue
de petits trésors odorants écailleux et nutritifs
.
Souvent je les enfouis pour l’hiver dans les profondeurs
électroniques de l’internet où - comme les écureuils
leurs caches – en général je les oublie Quand par accident
.
j’en retrouve quelques anciens avec une indéniable
surprise – voici que je relis comme d’un étranger
ces poèmes curieux de quelqu’un que je ne suis plus
Nuits de lunes insomniaques
.
Lassant, vraiment lassant
d'en arriver si vite à l'obscure insomnie...
Une rue de Pompeï dallée de cendres
pétrifiées et de battements de coeur
La courte incursion du soleil hiémal
finit à cinq heures par un disque pourpre
empalé sur les cornes des arbres
Mille flèches pour un seul coeur !
Alors on sait que nous circonviendra
sous peu l’absence de lumière - escortée
de l'humeur noire que baratte l'esprit
en proie au chaos jusqu'à lui faire prendre
faute de lanterne, ses phosphènes pour
des étoiles…
. La pleine lune passe un bras
à travers les barreaux de la croisée pour,
semble-t-il astiquer la poignée nickelée
du frigo : à moins qu'étant Incapable
elle-aussi de s'endormir elle ne soit en quête
de quelques gorgées de lait, histoire
De justifier la pâleur de son teint...
. La lune
des crabes aux yeux exorbités par le
spectacle infiniment remuant de la mer
La lune des hulottes dont la tête se visse
et se dévisse sans cesse au moindre
furtif chuchotis parmi les feuilles mortes
La lune qui fait briller indistinctement
l’échines des dauphins et le dos des écumes
durant leur migration vers le ponant…
.
La lune qui ravive dans l'air nocturne
les senteurs natales d'iode et de menthe
dont s'accompagnaient nos premières baignades
aux temps où quoi qu'il arrive nous portions nuit
et jour en nous la joie d'un éblouissant soleil
Minute sans réponse
.
Comment se fait-il que tu sois
Seul à ressentir
Le prix terrible de ce qui
A chaque instant s'efface ?
Songe aux abois
.
Assourdissante en tes oreilles, la Nuit
froisse incessamment son silence,
le disperse sous les meubles, dans
les encoignures : on dirait une mouche
qui des ailes vrombit au ras d’une vitre,
emplissant de sa rage telle pièce déjà
pleine de solitude que seuls quelques
souvenirs spectraux n’ont pas désertée,
eux-mêmes cramponnés à leurs propres
fantômes…
. Et ceux là transgressent
sans effort la membrane qui passé minuit
tient le réel hors du cocon soyeux du rêve:
Ils lâchent à travers son espace mental
une meute de cauchemars comme en forêt
des chiens excités poursuivent à l’odeur
la sauvage beauté d’un chevreuil
. au point
que le dormeur ne connaît plus de repos
et se réveille en sueur avec la sensation
d’avoir expérimenté les affres de l’agonie…
.
Brouillons délaissés
.
Pourtant les cyprès toujours
dépassent de la rangée des oliviers
Toujours la villa des beaux étés reçoit
en pleine face la blancheur de l’aube.
Elle a les volets clos comme les paupières
d’une baigneuse sur la plage qui se fait
bronzer, son corps entier offert aux nuages
.
Toujours les pylônes électriques tendus
de fils qui longent le tracé du chemin creux
Au coin de la maison, le cèdre qui grandit
insensiblement et dont les branches tâtent
l’espace alentour en quête de compagnons
.
Et toujours cette chose impalpable que j’appelle
« mon âme » et qui ressemble à un vieux
pot de grès sombre plein d’un bouquet chiffonné
de roses en papier d’argent ternies par l’oxydation
.
Accès de lucidité
.
Une enfance qu’on devine au fond
des vieilles aurores à travers nos larmes
Un papillon qui ne reconnaîtrait plus
les couleurs distinctives des fleurs
.
daltonien - mettons - ou privé de ces
antennes pelucheuses grâce auxquelles
les vibrations de la lumière et du vent
le renseignaient
. voletterait désormais
au hasard d'un méconnaissable paysage
réduit à rien qu'un camaïeu de cendres
blêmes et de jeux de brumes indistinctes
.
Telle est la misère au sein de quoi tu te
débats, même pas comme un beau diable
(ce qui faute de mieux t’eût offert une
raisonnable compensation à ton infortune)
.
De sorte que tu te demandes si vraiment
c'était la peine de quitter ta chrysalide
pour venir te mêler à la foule des humains
et paré d’ailes ocellées ainsi que le geai
de la fable y venir jouer les poètes
. alors
que tout bien pesé tu n'as en ce domaine
aucun talent et que dans le siècle qui se
profile il n'y a plus de place pour la poésie
.
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Par Xavier.Bordes le 21 Décembre 2019 à 18:58
Promenade après la pluie
.
Tandis qu’au loin la Belle entretient espoir et courage
en des lieux immaculés sur lesquels veille la mer,
ici l’aube cueille sa lumière aux feuilles des lauriers
comme le soleil d’été moissonne son éclat sur les blés…
C’est la terre de chez moi – que protège, maternelle,
l’ombre svelte des pins obscurs en lesquels règnent
le roitelet qui se balance la tête à l’envers, l’écureuil
intrépide qui d’arbre en arbre fuse à travers le vide,
vif rouquin ébouriffé dont des volées de tourterelles
s’effarouchent, vite réfugiées sur l’arête de tuileaux
d’une villa voisine. Je suis parti en promenade le long
du chemin. Il déclinait ses oliviers jusqu’au carrefour.
Les survivances des pluies le trouaient d’illusoires
traînées de ciel cru ; lavée, la loupe de cristal de l’air
détaillait jusqu’aux moindres aspérités du paysage…
Je rêve d’y voir aussi clair dans l’avenir qui nous attend.
.
Crépuscule de décembre 2019
.
Dans l’éclairage de ce pâle soleil
couchant d’hiver ton ombre est celle d’un géant
alors que tu n’es qu’un homme ordinaire
Une forêt de perspectives zèbre de bleu sombre
les vastités imparcourue des neiges
L’odeur prochaine du froid nocturne embue
ton souffle et cependant tu voudrais te persuader
que tu respires le parfum d’un champ de lis
qu’à force d’écume et d’iode tente d’imiter
la mer où miroite doucement le sel rouge des Origines
C’est que l’amour est au sein de l’amour
comme un noyau de lumière dans l’aurore :
de même que dans l’intimité d’une iconostase le jour
tombe des vitraux pour élire les faces pures des Saints
de même le sourire énigmatique de son masque d’or
illumine en nous les visages dont nous sommes épris...
.
« Ponchito de colores »
.
Grâce à un air obstiné de mandoline péruvien
sur lequel s’appuyaient quelques notes d’un roseau rauque
j’ai pu me façonner une issue et je suis sorti hors du temps
La pluie dehors a continué à sangloter mais je doute que ce soit
mon absence qu’elle pleurait Quel humain existe suffisamment
pour que les éléments s’aperçoivent de sa disparition ?
J’ai marché par les chemins de mon Eldorado personnel
Vallées vertes et profondes, montagnes hautes enneigées
Animaux qui semblaient sortis d’un bestiaire fabuleux
Chameauléons et camélimadaires, aracimiens, aigles chauves
dont l’envergure en rythme étreignait puis relâchait l’azur
au-dessus des canopées de sylves moutonnant à l’infini
Là-bas vivent des peuples bariolés aux jolis enfants enjoués
Je me promène parmi eux comme si j’étais davantage
qu’un fantôme intemporel qu’ils ne peuvent soupçonner
La pluie a cessé laissant une géographie de flaques brillantes
Mandoline et flûtes se sont tues - alors je me suis résigné
et j’ai renfilé mon vieux poncho tissé d’heures de solitude...
.
Journée de pluie battante à Opio
.
Bruyamment la pluie
étrille les toits La télévision
a prévu un “épisode méditerranéen”
Il n'est que six heures comme l'affirment
luisantes dans le noir quelques diodes
d'appareils électroniques
C'est encore la nuit ici alors qu'il faut
imaginer le fourmillant plein jour
sur d'autres continents avec d’innombrables
activités humaines certaines admirables
ou simplement touchantes humbles justes
nécessaires -- mais d'autres ignobles
fourbes féroces cruelles sanglantes outrées
indignes de l'éthique entre frères humains
Tout un tissu planétaire d’actions entremêlées
inextricablement au point que souvent
du mal s'engendre un bien et inversement
selon aucune règle sinon l'effet du hasard
Tandis qu’ici la maison dort au milieu des arbres
comme une île de silence au-milieu
du bruissement ininterrompu de la drache
(obsédante comme l’image d’une aube d’été
dont la blondeur auréole telle fille du Nord
que de nobles devoirs retiennent loin de moi)
.
Persistance de la Beauté
.
Quelque deuil qui t’ait frappé
(Un rocher tombant de la falaise
écrasant les écumes et les nacres
vaguement surréelles de tes pensées)
autour de toi ce qui existe n’a pas renoncé
à sa splendeur Les calanques chantournées
exhibent leurs abstractions de corail
Les pins acrobates à flanc de roche
se contorsionnent pour enseigner à nos regards
de verts étages de vertige On voit refleurir
sous la gelée des buisson de roses de Noël
qui rassurent les poètes quant à leur folie
Du lointain nostalgique qui tremblait
au fond du regard limpide des amantes
une lueur de joie se rapproche, grandit
et s’incurve en un sourire blanc et pourpre
pareil à telle aube inéluctable sur les eaux
dont nulle nuit désespérée n’a pu venir à bout
même en truffant la noire quiétude
en laquelle se sont réfugiés nos coeurs endormis
d’une silencieuse mitraille d’étoiles
.
.
Misérable stratégie
.
Dents d’ivoire mes pensées fleurs carnivores
s’ouvrent la nuit et dévorent la substance la plus douce
de mes songes : ceux où jeune – moineau peut-être
ou cacatoès selon le surnom dont il me revient
que m’affublait un défunt oncle –
j’apporte mille dénouements magiques
à des scénarios que le sadisme assumé du cauchemar
s’efforçait de transformer en impasses
J’ai désormais bien conscience de n’être plus
un perdreau de l’année (comme ils disent)
Il s’ensuit qu’aujourd’hui ne me reste qu’une seule
issue : le réveil qui me rend à ce monde
– à peine moins féroce moins piégeur
moins truffé de subterfuges –
que l’on appelle sommairement Réalité
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Par Xavier.Bordes le 28 Novembre 2019 à 14:54
Humble souverain
.
Sol ! Ah lumineuse origine du seul
écoute le vent qui n’a pas d’amis
Le cuir des labours se refuse aux corbeaux
Les fumées prient le ciel pour qu’il pardonne
à l’automne d’avoir roussi puis terni les feuilles
.
J’observe les petits enfants aux capuchons fourrés
Leurs visages fragiles sourient si facilement !
Ils ignorent que le monde bien souvent sépare
et que pour lui nulle beauté n’est innocentes
.
Pluies et parapluies mouillures du bitume
Odeur d’hydrocarbures ou de feuilles souillées
Senteurs de poussière et de pierres délavées
D’une poussette qui arrive un bambin
fait bonjour de la main et tu lui réponds
.
Lui ne sait pas encore - en sa petite royauté
naissante - ce qu’est la solitude du soleil
.
Avec un visiteur venu de loin
.
Nous avons amicalement parlé d'avenir
(Comme s'il nous restait un avenir)
.
Le lierre de paroles irréelles unissait nos vieux troncs
Accablés par l'expérience inconnue de la vieillesse
.
Résolus à feindre que tout était encore possible
Voici que nous évoquions un retour
(Improbable) à l'île d'émeraude dont le souvenir
Tout odorant de son atmosphère d’iode et de jasmins
Malgré les années est isolé dans notre mémoire comme au sein
D'une mer sans limites
. Là-bas
Attendant un équipage qui ne reviendra jamais
Rouille toujours dans un bassin de radoub
Parmi d'autres coques à l'abandon la poupe
À demi-pleine de ciel du Saoïrse
.
Quand même nous ayons amicalement parlé d'avenir
Et de parcourir à nouveau les jolies venelles pavées
Malgré l'orage qui rincera nos costumes de soirée
Tandis que le crépuscule tombe sur les fleurs d'acanthe
Des frontons et autres vestiges d'un merveilleux passé
.
Nous nous dîmes au revoir soupçonnant
Que nos projets n'étaient qu'un plaisant
Et nostalgique éventail d'illusions
La chose
.
La chose qui ne revient de nulle-part
c’est justement celle-là que tu attends
Que dire ? On ne se refait pas, hélas…
Ni l’on ne refait le trajet des ans perdus !
Il me semble parfois pourtant que je vais
retrouver le ciel bleu de Sainte-Maxime
en janvier, avec le sable et les vieux
pêcheurs mal rasés au visage raviné
sur leurs barques à la peinture écaillée…
Mais le port à présent est blanc de yachts
serrés côte-à-côte qui s’ennuient onze
mois sur douze et n’ont pour visiteurs
que les mécaniciens et gens d’entretien
On les voit assis à même le pont mâcher
des sandwichs pendant la pose de midi
Dans leurs yeux l’exil a lessivé les rêves
Il parlent des langues rugueuses de l’Est
qu’il est trop tard pour tenter d’apprendre
Ils sont la preuve qu’un monde a depuis
longtemps entrepris d’en effacer un autre
.
.
Vae noctis
.
Le cri des étoiles,
s’il existe la plupart
d’entre nous sont sourds !
.
Quintil énigmatique
.
À force d’errer parmi la sombre réalité
elle sème sous ses pas des pâquerettes
On la croirait enfant mais c’est une apparence
Sous sa longue chevelure blonde (ou brune ?)
elle abrite une beauté imperméable au temps
Géminé
.
Il ressemble à cet immaculé que les monts bleus
ont tant de peine à retenir
et qui se fait volontiers transparent
pour dévaler vers les communautés des hommes
.
Impalpable parfois à l’instar d’un nuage
il se métamorphose à la façon des songes et des brumes
Certains le prennent pour un spectre
l’affublent d’un nom - mais les noms sont mirages
.
Avec l’élan du vent il fourrage à travers les ombrages
jusqu’à l’Origine et voyage parmi les écumes
aux dix-mille petits doigts de bébés siréniens
jusqu’à son atoll printanier aux vertes solitudes
.
La matière noire de l’effacement
.
Noircie la pierre par le feu
Un jour gris qui n’est pas
tout à fait débarrassé de la suie
nocturne Mon coeur constellé
de spites d’encre ressemble
à ces panneaux de fer au bord des routes
sur lesquels ont tiré des chasseurs
.
Chaque marque de vieille douleur
y rouille Le banc où je m’asseyais
près des géraniums s’est effondré
depuis que ma grand’mère n’est plus là
Les hirondelles ne viennent plus
sous le toit de la maison (d’ailleurs
également disparue) Quant aux rosiers
.
ils ont fané au soleil puis se sont desséchés
car il n'est personne désormais
pour les arroser non plus que pour repeindre
le blanc portail de chêne du jardin
orné d’une double croix en X
(J’imagine la bise en ce jour d’hiver
qui siffle dans la boîte aux lettres vide).
votre commentaire -
Par Xavier.Bordes le 28 Novembre 2019 à 14:44
Incompréhensible poétique
.
Tu te veux poète ? Râcle au fond de toi ce qu’il te reste d’assez pur pour ne connaître dans la poésie que la poésie.
.
La poésie qui soutient une cause n’est pas poésie. Qu’elle semble servir une cause ne doit être qu’un point de vue de lecteur.
.
Ce qui fait écrire (ou parler) en poèmes n’a rien à voir avec les ambitions qu’on croit déceler en eux.
.
Le poème ne démontre pas. S’il est poème, il fait éprouver. Il n’explique pas, il inspire.
.
Un poème qui inspire rayonne son sens différemment lors de chaque rencontre, et selon la personne qui l’aborde.
.
S’habituer à la zone ouverte, autrement dit chaotique, bizarre, absurde, maladroite, de la parole en poème, c’est s’accoutumer à un sentiment de perte.
.
Tout poème véritable est à mon sens un langage métonymiquement entier qui espère son salut de la réalisation de cette virtualité grâce à l’esprit des humains qui le liront.
.
Insérer un cheveu dans une robe de mariée, la même démarche que poser une ligne d’encre sur une page.
.
Sursaut de sérénité
.
Il m'arrive d'être en prison
dans ce que faute de mieux
j’appelle souvent mon âme
Je la vois comme un étang
avec sous ses reflets carpes
et grenouillettes et flottant
quelques feuilles aplaties
en forme de coeurs verts
parées d’un lotus épanoui
dont les étamines dorées
sont le trône d’un crapaud
face au ciel en extase assis
tel un petit magot ventru
ou le bûmisparcha mudrâ
du Bouddha sculpté en jade
qui attendrait sur l’eau une
lumineuse risée de sagesse
.
Pour l’autre A.
.
Athéna fille d’une goutte d’eau (dit-on)
sortit tout armée de la migraine de Zeus
Voilà bien un mythe digne d’un proème
armé de pied en stiche de silences d’or
Moi comment appellerai-je cette Beauté
fille d’une goutte d’encre et de mon mal
de tête, de coeur, de vivre et d’exister ?
.
Nuit du ruisseau sans nom
.
Ce vieux poème qui tracasse ta conscience
Son langage couleur de lune qui voudrait
te rendre lucide Bref - insomniaque tu es
sorti en pleine nuit d’août alors que tous
dorment dans leurs maisons acagnardées
aux immenses pins touffus silhouettés
sur le fond étoilé du firmament Tu as
enjambé le grillage Un chat s’est enfui
à droite sur le chemin des Chauves
Toi c’est à l’opposé que tu a choisi
d’avancer vers le carrefour et la route
en pente qui descend jusqu’au ruisseau
L’ombre cernait le petit pont de bois
éclairé par la corne d’argent là-haut
comme par un projecteur de théâtre
Appuyé à la rambarde brangeolante
tu regardais le miroir d’eau paisible
où des étoiles de chewing-gum blanc
se contractétiraient inlassablement…
Un clic de l’eau ou bien un clouc-clouc
de temps en temps rythmait leur
lumineuse gymnastique Et parfois
silencieux et vif sur le ciel violet
glissait le vol fantasque sitôt disparu
d’un vespertilion pareil à la pensée
graves ou funèbre qui sort des obscurs
recoins de l’esprit pour y retourner
en jetant comme les poètes des cris
inaudibles - dans toutes les directions !
Opio-2018-19
Inflexible
.
Lorsque tombent les premières
gouttes de pluie elle voit de petites
ailes d’anges irisées
Elle en parle avec cette élégance
du geste et du port de la tête
qu’on nomme grâce
Malgré la voûte des cieux gris-de-zinc
comme un vieux couvercle
de lessiveuse, elle enlumine
des onciales de son imagination
la page non-écrite encore
de la journée
Qu’elle m’accueille ou me repousse
elle reste l’être au monde
le plus digne d’amour
.
Passé présent
.
Près du pot de grès
au fond du jardin
j’ai vu l’oiseau mort
Un grain d’éternité
dans son œil luisait encore
(C’est la force du souvenir)^
Je prends son aile raide
qui se déploie en éventail
Sous l’olivier où je l’enterre
dans un vieux plumier en bois
La terre est noire et rouge-sang
Lassitude du Scribe
.
Tout bien pesé la vie végétative
arbres légumes chiendent sainfouin
ce ne doit pas être si mal Poussées
de sèves ou retraits pour uniques
soucis métaphysiques Le soleil
et la pluie pour dieux à l’instar
des Aztèques Les brises qui vous
feuillettent (semble-t-il) espérant
des oracles qui ne seront jamais
articulés Oh oui La vie végétative
du scribe auquel le vent n’impose
nullement d’écrire alors que l’aube
pose un diamant sur des milliers
d’oreilles vertes aux nervures fines
qui n’entendent que la lumière...
.
Inaccessible
.Cette espèce de coeur sans coeur
ce coeur de mots qui est en toi
comme l’obscur d’un rêve silencieux
au cours duquel on déchire maint chiffon doréUn coeur en lequel s’épaissit l’obsidienne de la nuit
Autrefois c’était d’un autre qu’on disait
Il a encore toute sa tête Bientôt sans doute
c’est dans ton dos qu’on le dira
en provoquant l’ombre d’un doute
qui s’allongera ainsi qu’en fin de jour
nos silhouettes noires sur le sable
infini d’une plage du Nord
qui ne parvient pas à rejoindre ses nuages
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