• À partir de 2020

     

     

     

    PORTRAIT D’AÏEUL

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    Il était du même bois que ces astrophysiciens

    Qui voudraient trouver comment détecter la matière noire

    Qui manque aux feux d’artifice des galaxies.

    Son front depuis l’enfance était ridé par un effort

    Inutile de l’intellect et l’absorption d’un fatras d’informations

    Qu’il s’était efforcé de classer mentalement durant toute une vie.

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    Ah ! Les beautés fugaces du savoir, les chiffres, les formules,

    Les Intégrales et les Corps de Galois… Jordan, Cauchy et Gauss…

    Tout cet espoir de comprendre, enfoui dans les connections

    De l’esprit qui voudrait s’égaler au cosmos impensable…

    Puis la musique des sphères, Newton, le fa dièse

    De la Terre et le silence des espaces infinis…

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    À présent, dans le bureau couvert de feuilles et de livres

    Avec la maquette du navire aux voiles poussiéreuses,

    Le joueur de flûte accroupi sur son genou d’ébène,

    L’Astragalizonte dorée, avec sa main droite en suspens

    Et les osselets invisibles, et la boule d’agate, souvenir

    D’un voyage lointain, et le coupe-papier d’ivoire du Kabbaliste,

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    À présent, il méditait sur le silence, la mauvaise-volonté

    Du langage à révéler ce qu’attendent les âmes,

    Sur les songes de la sève qui lentement monte dans les pins,

    La pluie ce doux acide universel et tellement limpide,

    Sur la candeur des enfants qui font leurs premiers pas

    Dans la neige d’hiver. Et sur la pierre qu’un Nom ennoblit.

     

     

     

     

     

     

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    Enigme du coeur et coeur de l’énigme

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    Que savez-vous de l’amour ? Demande-t-on.

    Il est vrai que l’on n’en sait pas grand’chose :

    Il se tient là au-milieu du désert de nos vies

    tel un sphinx ou une pyramide à quatre faces,

    mélange de mystère insoluble et de vérités…

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    Quand au coeur inconnaissable des Autres

    d’une beauté aussi vivante qu’hermétique

    il est plus impénétrable qu’un pharaon d’or

    muré dans son triple sarcophage de silence

    constellé de hiéroglyphes de corail et lapis ;

    .

    Même la langue maternelles ne sait presque

    rien de ce souverain secret : il règne, ainsi

    que sur une forêt le vent qui ne se laisse voir

    que par ses effets mélodieux ou sauvages,

    puisque son alchimie versatile amalgame

    .

    en nous les hormones du paradis et de l’enfer.

     

     

     

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    Un Ancien eût dit « mè hybris »

    .

    Appuyé contre l’amitié d’un grand pin

    dont le fût a résisté aux tourments du vent

    malgré l’air frisquet de janvier, je songe

    en guettant les faits et gestes des oiseaux

    ou autres animaux secrets des buissons…

    .

    Hier sur le carrelage ocre de la terrasse

    apercevant une minuscule araignée j’ai

    d’un pas de côté réussi à la laisser en vie

    Je me dis que je deviens de plus en plus

    jaïniste au fil des années Probablement

    .

    finirai-je « végane » quoiqu’il me semble

    insuffisant de ne manger que des plantes

    vu que ce sont également des êtres vivants

    si j’en juge par le foisonnement de pensées

    que le tronc me communique dès l’instant

    .

    où contre son écorce j’appose mon front

    et que dire des idées apaisantes qu’offre

    la verte sérénité d’une laitue aux feuilles

    humides comme d’un poème qui vient de

    s’écrire et dont l’encre est encore fraîche

    .

    Que faire alors pour ne pas mourir de faim ?

     

     

     

    .

     

     

    Relisant le « Portrait d’un étranger »...

    .

    Ma sympathie va tout droit vers les petits écureuils

    que l’on entend s’affairer en grignotant parmi l’énorme

    touffe des deux pins abattus par la tempête de décembre

    .

    Comme eux je vais chercher dans les ramifications

    plus ou moins desséchées d’une vie abattue

    de petits trésors odorants écailleux et nutritifs

    .

    Souvent je les enfouis pour l’hiver dans les profondeurs

    électroniques de l’internet où - comme les écureuils

    leurs caches – en général je les oublie Quand par accident

    .

    j’en retrouve quelques anciens avec une indéniable

    surprise – voici que je relis comme d’un étranger

    ces poèmes curieux de quelqu’un que je ne suis plus

     

     

     

     

    Nuits de lunes insomniaques

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    Lassant, vraiment lassant

    d'en arriver si vite à l'obscure insomnie...

    Une rue de Pompeï dallée de cendres

    pétrifiées et de battements de coeur

    La courte incursion du soleil hiémal

    finit à cinq heures par un disque pourpre

    empalé sur les cornes des arbres

    Mille flèches pour un seul coeur !

    Alors on sait que nous circonviendra

    sous peu l’absence de lumière - escortée

    de l'humeur noire que baratte l'esprit

    en proie au chaos jusqu'à lui faire prendre

    faute de lanterne, ses phosphènes pour

    des étoiles…

    .                      La pleine lune passe un bras

    à travers les barreaux de la croisée pour,

    semble-t-il astiquer la poignée nickelée

    du frigo : à moins qu'étant Incapable

    elle-aussi de s'endormir elle ne soit en quête

    de quelques gorgées de lait, histoire

    De justifier la pâleur de son teint...

    .                                                          La lune

    des crabes aux yeux exorbités par le

    spectacle infiniment remuant de la mer

    La lune des hulottes dont la tête se visse

    et se dévisse sans cesse au moindre

    furtif chuchotis parmi les feuilles mortes

    La lune qui fait briller indistinctement

    l’échines des dauphins et le dos des écumes

    durant leur migration vers le ponant…

    .

    La lune qui ravive dans l'air nocturne

    les senteurs natales d'iode et de menthe

    dont s'accompagnaient nos premières baignades

    aux temps où quoi qu'il arrive nous portions nuit

    et jour en nous la joie d'un éblouissant soleil

     

     

     

     

     

    Minute sans réponse 

     

    .

    Comment se fait-il que tu sois

    Seul à ressentir

    Le prix terrible de ce qui

    A chaque instant s'efface ?

     

     

    Songe aux abois

     

    .

     

    Assourdissante en tes oreilles, la Nuit

    froisse incessamment son silence,

    le disperse sous les meubles, dans

    les encoignures : on dirait une mouche

    qui des ailes vrombit au ras d’une vitre,

    emplissant de sa rage telle pièce déjà

    pleine de solitude que seuls quelques

    souvenirs spectraux n’ont pas désertée,

    eux-mêmes cramponnés à leurs propres

    fantômes…

    .                      Et ceux là transgressent

    sans effort la membrane qui passé minuit

    tient le réel hors du cocon soyeux du rêve:

    Ils lâchent à travers son espace mental

    une meute de cauchemars comme en forêt

    des chiens excités poursuivent à l’odeur

    la sauvage beauté d’un chevreuil

    .                                                         au point

    que le dormeur ne connaît plus de repos

    et se réveille en sueur avec la sensation

    d’avoir expérimenté les affres de l’agonie…

     

     

     

     

    .

    Brouillons délaissés

    .

    Pourtant les cyprès toujours

    dépassent de la rangée des oliviers

    Toujours la villa des beaux étés reçoit


    en pleine face la blancheur de l’aube

    .

    Elle a les volets clos comme les paupières

    d’une baigneuse sur la plage qui se fait

    bronzer, son corps entier offert aux nuages

    .

    Toujours les pylônes électriques tendus

    de fils qui longent le tracé du chemin creux

    Au coin de la maison, le cèdre qui grandit

    insensiblement et dont les branches tâtent

    l’espace alentour en quête de compagnons

    .

    Et toujours cette chose impalpable que j’appelle

    « mon âme » et qui ressemble à un vieux

    pot de grès sombre plein d’un bouquet chiffonné

    de roses en papier d’argent ternies par l’oxydation

     

    .

     

     

     

     

    Accès de lucidité

    .

    Une enfance qu’on devine au fond

    des vieilles aurores à travers nos larmes

    Un papillon qui ne reconnaîtrait plus

    les couleurs distinctives des fleurs

    .

    daltonien - mettons - ou privé de ces

    antennes pelucheuses grâce auxquelles

    les vibrations de la lumière et du vent

    le renseignaient

    .                           voletterait désormais

    au hasard d'un méconnaissable paysage

    réduit à rien qu'un camaïeu de cendres

    blêmes et de jeux de brumes indistinctes

    .

    Telle est la misère au sein de quoi tu te

    débats, même pas comme un beau diable

    (ce qui faute de mieux t’eût offert une

    raisonnable compensation à ton infortune)

    .

    De sorte que tu te demandes si vraiment

    c'était la peine de quitter ta chrysalide

    pour venir te mêler à la foule des humains

    et paré d’ailes ocellées ainsi que le geai

    de la fable y venir jouer les poètes

    .                                                       alors

    que tout bien pesé tu n'as en ce domaine

    aucun talent et que dans le siècle qui se

    profile il n'y a plus de place pour la poésie


    .

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