• Roquebrune - la baie, le port de Cranolès.


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    Épair et manque

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    Serrer le vent, tirer des bords

    au plus près, que la voile couleur de cerveau

    ne désemplisse jamais

    du lumineux élan qu’imprime l’Invisible

    fût-ce au risque de chavirer

    tel soit le programme de ton odyssée

     

     

     

     

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    Stable instable

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    Ce qui est beau est apothéose du Réel.

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    Sous le Chaos une virtualité d’ordre s’épanouit en pivoine.

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    J’apprécie dans les œuvres d’art des anciens Grecs, le souci d’humilité.

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    Le Réel, c’est le constat de vivre, lorsque l’esprit en saisit l’essence. Le reste est fiction.

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    Le rêve de ce qui est : l’inchangé. Or, même la pierre des statues vit.

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    Le désir, c’est imaginer que ce qui manque vaut mieux que ce qui existe.

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    Sous la plage, les pavés. L’inverse de tes croyances naïves de jadis.

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    L’imaginaire participe au réel comme ses nageoires extravagantes à un tosakin.

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    Ah, ces mots inexpérimentables : éternité, infini, divinité, liberté, et ainsi de suite !

     

     

     

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    Escapade

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    Une quinzaine de moutons sur la pente

    Des rochers percent ici et là le velours de la prairie

    Au fond du paysage le tsunami pétrifié

    des Alpes bleues crêtées de blanc

    que traversent les troncs proches d’un bouquet

    de pins noirs épongeant le vitrage de l’azur

    où par les yeux la pensée plane à la suite d’un faucon

    De mon sac je tire un thermos de thé auquel j’ai mêlé

    six feuilles de verveine Sitôt béant l’anneau de son col brillant

    attiré par cette sorte de miroir aux alouettes

    le soleil y glisse une ou deux pennes d’or

    si bien qu’avec le thé je bois sa lumière infuse

    et dans l’air pur qui déploie les parfums végétaux

    divers de l’estive, je respire l’intemporel

    bonheur de me sentir chez moi

    quand même brusquement je réalise

    assis à mon bureau qu’aujourd’hui tout cela

    n’est que songe et réminiscences

     

     

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    Pensant à Don Pedro

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    Échapper, certes, mais à quoi

    et gagnant un ailleurs qui serait quoi ?

    Voyagerais-tu au pas balancé des fameux

    quatre méhara d’Alfaroubeira

    jusqu’au fin fond du Paumékistan

    que cela ne te débarrasserait pas

    de tes peines obèses, de tes maigres joies

    et surtout de tes quatre vérités

    Autant de compagnies encombrantes

    dont aucun paysage aussi merveilleux soit-il

    ne distrait jamais longtemps

    Yourtes décorées d’entrelacs multicolores

    parmi les immenses vallonnements de Mongolie

    Forêts malgaches avec les célèbres

    makis mococos fausses peluches à la queue rayée

    Montagnes des Appalaches avec troupeaux méfiants

    de broncos pie bais qui descendent jambes

    raide en avant boire aux fleuves

    Jonques sur le bleu semé de pics étranges

    de la célèbre baie d’Along chères aux touristes

    Glaciers craquants en longs échos à travers le sombre

    blizzard des cordillères de Patagonie

    Quel tour du monde si stupéfiant, prenant,

    exotique, impressionnant soit-il, pourra jamais

    détacher quelqu’un de celui qu’il est,

    excepté s’il consent à le payer de sa vie ?

     

     

     

     

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    Calern

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    Les lointains bleuissants s’éloignent

    de plus en plus

    . le ciel distant surplombe

    de son mépris le passage des saisons

    Sur la lande vibrent les grappes de soufre

    erratiques des buissons rampants

    .

    On entend claquer du bec un oiseau caché

    .

    Mon obsession de le mettre en poème

    ne l’intéresse pas davantage que le mistral

    qui s’y reprend à plusieurs fois sans succès

    pour obtenir un moulage de ma face

    .

    Aïlenn est très loin là-bas près de la mer

    vers le cap où s’accroche un dernier nuage

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    J’aimerais sentir sa main dans la mienne

     

     

    (2001)

     

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    Grillon des bastides

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    Laqué noir, ce grillon qui contourne l’immense roselière

    qu’est pour lui une touffe de graminées

    s’arrête ensuite un moment à l’ombre d’un caillou

    médite en orientant ses antennes,

    joue quelques martelés de son microviolon stridulant

    pour vérifier que son ré# est juste

    Par l’imagination un instant je m’installe

    dans son petit corps multipattes et lustré

    J’accueille les ondes venues m’apporter leurs messages

    secrets des quatre points cardinaux

    et je les traduis en morse pour que ma grillonne

    m’entende et me rejoigne cette nuit

    sous les hautes étoiles qui par antennes de lumière

    à travers l’infini échangent constamment

    leurs ondes inaudibles…

     

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    Ostinato malinconico

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    Écrire : trois arbres transparents

    au sein d’un hiver de neige pure

    emmitouflant des collines illimitées

    sous lesquelles la musique limpide

    des ruisseaux est changée en trajets

    de cristal sous lesquels au ralenti

    les poissons en de moëlleux nids

    de vase hibernent avec insouciance

    .

    Trois arbres gribouillés en bleu pâle

    au milieu d’une étendue immaculée

    Serait-ce qu’un dieu enfant est passé

    graffiter sur la paroi de brume qui clôt

    d’une feinte impasse les perspectives

    Et pourquoi ce brusque éblouissement

    alors qu’un corbeau on ne sait d’où sorti

    deux fois plus noir que noir s’essore

    .

    N’écoute pas le cri du corbeau ma Belle

    ma Lointaine toi si légère que tes pas

    ne laissent point de traces, si ce n’est

    à m’efforcer de te suivre, les miennes

    inégales maladroites et dont le vent

    recouvre l’hésitation sous le charitable

    et virevoltant voile d’une poudreuse

    argentée comme le sable du Temps...

     

     

     

     

     

     

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    Courlis cendré

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    Ôô-oui Ôô-oui… acquiesce en hochant la tête

    avant de triller un courlis au long bec arqué

    qui arpente le littoral sans s’inquiéter de moi

    En retrait au loin le petit port de Carry-le-Rouet

    et la fête de baptême pour le bambin Antoine

    dans la vaste salle vitrée qui donne sur la mer

    Ce jour-là sous le sable j’avais trouvé une cuillère

    à café couverte de concrétions et coquillages

    minuscules Depuis je l’ai remise à neuf Elle brille

    et je l’utilise tous les jours pour faire semblant

    que les années n’ont point passé Certes un jeu

    vaguement stupide mais dans ma mémoire

    le soleil de l’azur était si lumineux qu’à ce que

    j’en murmurais gaiement pour moi-même,

    la réponse du courlis confirmait que la clarté

    de ces heures-là recelait un grain d’inoubliable

     

     

     

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    Escale à tort !

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    Cette nuit à Roscoff en 1965

    Il bruinait – gâchis et sacrifice

    Les vitres de la Simca ruisselaient

    tandis qu’on stationnait devant un bistrot

    pour voir s’ils louaient des chambres

    .

    Un homme en balançant est sorti

    dans l’éclairage rouge du vitrage

    et il est parti silhouette noire de dos

    d’un pas chaloupé sous la pluie

    ivre sans doute il chantait à tue-tête

    .

    À l’intérieur - que de rudes marins

    aux visages ridés par la mer et le sel

    Sombres, engoncés dans des vareuses

    Ni une parole ni seulement un regard

    Derrière le bar l’homme a simplement,

    .

    en essuyant un verre avec un chiffon

    douteux, jeté un « Non ! » hostile alors

    je suis retourné à la voiture Ma montre

    indiquait presque minuit On a démarré

    et fini par dénicher un hôtel je ne sais où

     

     

     

     

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    Homo homini lupus

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    Que la plupart des humains sur cette planète

    s’organisent avec tant de persévérance pour

    fabriquer leur propre malheur me laisse pantois

    .

    On dirait que comme les lecteurs de thrillers,

    de livres d’horreur ou les amateurs de films

    d’épouvante ils sont si peu sensibles qu’ils

    .

    n’ont jamais assez d’émotions violentes On voit

    qu’ils n’ont rien gardé en eux de ce poétique

    dont a été un temps éclairée leur enfance

    .

    Alors, anesthésiés de la part de poésie qu’ils

    ont scellée dans une oubliette de leur moi

    ils ont besoin de cruauté d’angoisse de haine

    .

    de férocités variées pour se donner pendant

    une heure ou deux l’illusion de se sentir

    d’un frisson plus vivants que dans leur vie

     

     

     

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    Calembours de trente-six mille habitants

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    « Si t’es gai, ris donc, mais si t’es pas gai, rame ! »

    Ce calembour qui ravissait mon grand’père

    m’a toujours semblé receler un sens caché.

    Les grands-pères sont souvent détenteurs

    de phrases énigmatiques dont on ne détecte

    la teneur en sagesse que tard dans la vie…

    J’attends qu’Ezra ait encore un peu grandi

    pour lui transmettre cet héritage séculaire :

    je ne voudrais pas qu’il passe à côté d’une

    formule précieuse ni qu’il pense comme Hugo

    que les jeux de mots sont à prendre à la légère !

     

     

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    Vers l’Avenir en chantant

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    À l’évidence, il faut oeuvrer avec sérieux.

    Ce n’est pas le moment de faire de l’humour

    dans les difficultés où nous sommes…

    Chacun doit consacrer son énergie entière

    au Plan : il n’y a pas de place pour le luxe

    d’en gaspiller en rigolade, fût-ce une miette.

    N’oublions pas que nous sommes au XXIème

    siècle et que tout se joue maintenant !

    La Parti attend de chacun qu’il joue son rôle

    en donnant le maximum pour réussir…

    Les individus, les personnes, les préférences,

    les sentiments, toutes ces balivernes

    des sociétés décadentes sont concepts

    obsolètes. Nous sommes une Collectivité

    Planétaire qui doit mobiliser ses forces,

    toutes ses forces, vers le But sans dévier.

    À notre grand regret les déviants seront

    sévèrement châtiés, car la situation est telle

    que nous ne pouvons pas consentir

    à compromettre l’Avenir pour une poignée

    d’individus, quelles que soient leurs excuses,

    qu’ils se disent « artistes », « écrivains »,

    à fortiori « poètes » : ce à quoi dans le passé

    se référaient ces mots n’a désormais plus cours.

    Une seule pensée, le Grand Bond en Avant ;

    un seul Peuple, un seul Parti, un seul Inspirateur.

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    Perte d’inconscience

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    L‘ardoise bleu-pastel du toit de la montagne

    s’orne d’un panache digne d’un volcan

    .

    Le ciel refuse partout ailleurs qu’aucune vapeur

    aux allures de meringue ne se condense

    .

    Touchantes batifolent et gaîment se culbutent

    dans les hauteurs de l’air deux tourterelles

    .

    Qu’il serait apaisant pour l’âme d’éprouver

    la même roucoulante insouciance ailée

    .

    Impossible pour moi d’élucider pourquoi

    je suis hélas bien incapable de les imiter

    .

    Pouvoir oublier le passé comme l’avenir

    au profit de la seule minute présente

    .

    quelle bénédiction ce serait - Analogue à

    plonger l’été dans la fraîcheur de la mer !


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  • Désagréable lucidité

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    L’attention que beaucoup d’amis poètes / accordent à toutes sortes de détails du monde contemporain / indistinctement dans leurs écrits divers événements insignifiants en côtoient d’autres décisifs pour l’avenir du vivant / me plonge, comme on dit, dans des abîmes de réflexion

    .

    J’en retire que le détail inscrit dans chaque texte / pour acquérir une teneur « poétique » se doit de receler un essentiel / non-dit mais intensément pressenti / afin que le lecteur apporte sa part de création qui fera le poème « poème » / et qui forme au-dessus de lui cette sorte d’aura troublante

    .

    par la grâce de laquelle on entre-sent ce qui est dissimulé / on entrevoit de l’ineffable / au-delà de notre perception habituelle d’un environnement matériel / et de la création du monde personnel qui pour nous en résulte / Cependant il faut reconnaître ici que si l’on n’accède pas à cette magie du langage

    .

    ce que l’on appelle « poème » par pur orgueil et besoin de survie, lorsqu’on ne se supporte pas en tant qu’humain anonyme, au-milieu de l’anonymat de milliards d’autres / ira rejoindre la grêle saisonnière de livres destinés à nourrir de leurs vers / les amateurs surnommés vrillettes, poissons d’argent et autres bibliophages...

     

     

     

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    Dimanche 2 juin 2019

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    Non ! Je n’écoute pas le soleil dehors

    qui perché au touffu du grand bouleau

    à contre-jour en grattouillant du bec

    s’épouille des derniers morpions de nuit

    encore cramponnés sous son radieux plumage

    .

    Qu’importe s’il craille et craille

    comme une corneille

    de peur de passer inaperçu

    tandis que remonte ébloui le volet roulant

    pour qu’Aïlenn les yeux fermés

    dans son nid de draps embrouillés de blondeurs

    d’où s’échappent ici et là genou bras épaule nue

    (Des autres charmes je me réserve la vue)

    alertée par l’odeur du café se retourne, s’étire

    et me sourie en clignant ses yeux d’eau verte

    .

    car ici-bas je préfère au phénix des matins ma douce

    fée-nixe à moi dans la minute où sa beauté s’éveille

     

     

     

     

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    Sans Moi

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    Mais où s’enfuit, mais où

    s’enfuit cet oiseau transparent qui pleure

    Redoute-t-il, redoute-t-il

    un tremblement de coeur

    Une sorte d’immense frisson qui secouerait

    l’âme en ses plus fines ramifications

    .

    L’ébranlement qui secoue la pensée,

    qui en propulse l’écume illusoire

    jusqu’aux rivages du néant

    Là où vous quitte tout ce qu’on aime

    où l’on finit comme un squelette de bois flotté

    mais impalpable comme un souvenir de rêve

     

     

     

    .

    Un papillon blanc

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    Une gare en pleine forêt – j’imagine ainsi

    la Halte : une gare en pleine forêt avec sur le quai

    une petite fille blonde en robe blanche

    qui attend on ne sait quoi en chantant et sautant

    à la corde Un oiseau bleu peut-être

    ou quelque train rouge et noir improbable

    à voir comme ce lieu sévère est charmant à la fois

    paraît désaffecté Sombres alentour les sapins ont grandi

    certains même ont envahi l’ancienne route

    et près de la voie-ferrée rouillée des pousses

    émergent d’entre les pierrailles du ballast

    .

    Si l’on prolongeait jusqu’à l’endroit en Y

    où bifurque une voie de garage parmi les épais buissons

    on trouverait sans doute quelque locomotive

    abandonnée qui réjouirait mon petit-fils

    Pour un peu il y aurait même quelques

    wagons aux vitres brisées à la peinture écaillée

    Sur les sièges avachis les derniers magazines

    laissés par les derniers voyageurs y moisiraient encore

    couvertures aux photos pâlies par les saisons

    .

    Comme Ezra finalement j’aime les lieux abandonnés

    Tout y semble plus beau quand c’est reliques de présences

    silence des oiseaux et de la lune dans les arbres

    avec - qui voltige au fil d’une comptine

    d’un coin à l’autre du quai délaissé par le temps -

    une petite fille gracile et fantasque ainsi qu’un papillon blanc

     

    .

     

     

     

    .

    Mythologie

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    Comment trouver la force de caractère

    pour regarder ailleurs – mais où ? - lorsque

    l’on voit autour de soi comme au-delà de l’horizon

    tout ce qui fut notre arbre monde s’effondrer

    peu à peu cédant radicelle après radicelle

    jusqu’au complet détachement prévisible

    sitôt que surviendra le dernier orage

    Même le rire de la Valkyrie s’éteint

    qui volait, cygne blanc, au-dessus des combats

    du temps où son amant luttait seul contre tous

    Et s’il reste un soleil son éclat pourpre

    est d’un sang qui n’est plus le nôtre

     

    .

     

     

     

     


    Fugace fraîcheur argentée

    .
    Un instant voici l’éclaircie entre les mélèzes
    et les nuages complices pour ouvrir un étang
    au soleil dont les milliers de doigts vont 
    au fond de l’eau titiller le silence des carpes
    .
    Bonjour, c’est moi, dit-il, dis-je aux verdiers et pinsons
    qui s’empressaient autour de la clairière ce jour-là
    Du moins feignais-je de m’en convaincre en sachant
    parfaitement que c’était jeu taciturne avec moi-même
    .
    Un aubépin piquant au débouché du sentier se prenait
    pour une constellation J’appréciais la pénétrante 
    odeur de clitoris de certaines fleurs un peu fanées
    Comme une exhalaison vitale de notre dame Nature
    .
    Pour un peu je me serais attendu à voir débouler
    près d’une nymphe en train de tâter l’eau un faune
    aviné aux lèvres cramoisies et crinière cornue prêt
    à batifoler jusqu’aux « derniers outrages » priapiques
    .
    Rien cependant sinon l’invisible du vent qui venait
    cueillir dans mes cheveux sa fraîcheur comme si,
    par d’immémoriales visions fécondée, elle émanait 
    d’une imagination que la parole transcrite éternise…

     

     

     

    Les yeux ouverts

    .

    Il se trouve que depuis un ou deux lustres

    le monde qui est le tien est assombri – tel

    un sommet ensoleillé que lentement obscurcit

    et cerne un nuage – par la Multiple Menace

    .

    Te te sens pareil à un oiseau fourvoyé au piège

    d’un embrouillamini de ronces pour s’être

    laissé attirer par une grappe de baies exquises

    Chaque fois pour s’échapper on s’y ensanglante

    .

    Il te semble tout d’un coup que chaque décision

    prise dans ton passé fut une erreur d’aiguillage

    Pourtant si tu retournais dans ton état mental

    de l’époque tu referais la même aussi conscient

    .

    qu’en ce temps-là des douleurs que tu te préparais…

    .

    Autopsie

    .

    - Croyez-vous qu’il vive encore ?

    - Non.

    - Pourtant on dirait qu’il bouge...

    - Il est mort, mais il ne le sait pas !

     

     

    .

     

    .

    Trois moment d’Isis

    .

    Parmi les vagues une main occulte

    recoud les lambeaux de la tunique

    du soleil levant,

    .

    En formation serrée

    pourchassant l’invisible,

    les martinets intatigables,

    filent leurs paraboles au-dessus de la mer...

    .

    Depuis le robinet de l’évier

    une goutte sonore fait contrepoint

    au clapot du ressac.

     

     

     

     

    .

    Nouvelles de l’entre deux

    .

    Jeune homme je voulais

    dévorer le temps

    avoir tout essayé avant qu’il ne me ronge,

    me dévore, m’exténue

    À vitesse d’aile d’hirondelle

    je voulais extraire du printemps

    de mes chansons, de mes images,

    de mes écrits Après échecs sur échecs

    .

    pour finir je n’ai ni l’envie de partir

    ni l’envie de rester ici

    .

    J’habite l’interface

    le temps ne m’a pas dévoré

    Je ne l’ai pas dévoré non plus

    Nous nous regardons en chiens de faïence

    Mon printemps stupidement s’obstine

    Pour combien de temps encore ?

     

    .

    Ritournelle face à la baie

    .

    En bas les navettes de la lumière

    avec la complicité des mouettes

    obstinément tissent la mer

    .

    Le petit-jour au balcon du quatrième étage

    tend des résilles de rayons immatériels

    en espérant que s’y prenne

    la chevelure d’Aïlenn

    .

    Se matérialiser en embrouillamini doré

    qui sent la forêt, pour y faire son nid

    l’oiseau-soleil en a toujours rêvé

    .

    Moi - sur le littoral de l’aurore

    je scrute avec des yeux de crabe

    les traces fossiles des monstres

    de mes rêves passés

    .

    Au-dessus des vagues les escadrilles de martinets

    filent sans cesse puis reviennent

    Je vis avec une ritournelle - dit-Elle…


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  • Baobab et Harmonia Mundi

    .

    Un pays que je n’ai point visité

    nomme « porte » un certain arbre

    assorti du paradoxe qu’il serait

    à la fois bas et haut On rapporte

    que ces géants sacrés peuvent

    survivre plusieurs millénaires

    Pourquoi sacrés ? Mon hypothèse

    est qu’ils sont chacun le symbole

    de l’univers à la fois infime et

    immense ainsi que le professait

    celui que la plupart des gens

    prennent aujourd’hui pour un

    théorème – un certain Pythagore !

     

    .

    Fragments insomniaques d’années perdues

    .

    Plus tard le vertige, plus tard l’ivresse

    au-dessus des libations dans les cendres

    assombries…

    . La flûte infinitise la nuit...

    Le halo laiteux sur la bourgade en bas

    dans la vallée,

    . pressentiment d’aube...

    Un oiseau inquiet crie dans les bambous

    qui en sont chiffonnés…

    . La mer fleurit :

    odeur naïve, le jour,

    . bouton que dénoue

    le parfum irradiant du coeur de la fleur :

    ce reflet de sourire sur un anneau d’or !

    .

    Ne parlons pas de Mai dont les giboulées

    tardives secouent muguets et valérianes

    anémones et ancolies -

    . astres d’espoir !

     

     

     

     

    .

    Moralité sans fable

    .

    Opiniâtrement les antiraciste font très attention

    à l’inclusion de quotas de gens de races définies

    dans les diverses institutions et groupes sociaux

    du pays où ils agissent. C’est assez bizarre que

    pour être de bons antiracistes, il faille distinguer

    les humains d’une morphologie ou d’une autre

    et prêter la plus grande attention à leurs traits

    distinctifs… Il s’ensuit que cette énergie mise à

    agir contre le racisme a pour effet de renforcer

    la conviction que les races existent : troublante

    observation dont je tirerai la règle générale que

    très souvent, à combattre une chose, on l’affirme...

     

     

     

     

     

    .

    Ramsès

    .

    C’est un cliquetis qu’on ne peut entendre / que seul j’entendis autrefois dans les fastes efflorescents du crépuscule / parmi les dunes au désert / il fait penser

    .

    au bruit du squelette / quand le professeur de sciences-naturelles déplaçait la potence de bois auquel il pendait / pour le remporter dans la resserre

    .

    à côté des globes terrestres et des grandes cartes Mercator / qu’on accrochait au tableau noir lors des cours de géographie / mais à côté aussi des éponges, des compas et règles géants de bois teint en jaune / et de tout un bazar entrevu dans la pénombre

    .

    avant que la petite porte bleue ne se referme / trac-trac deux tours de clef / sur ses trésors et ses fantômes / On imaginait en riant sous cape / que le personnage fait d’os enfilés comme des perles / qu’on surnommait Ramsès

    .

    dansait la gigue au secret de son cabinet noir / au-milieu de la sarabande des objets divers / accumulés par des années d’enseignement de profs et de potaches blanchis non pas sous le harnois / mais sous la poussière de craie

    .

    Cependant le moment le plus saisissant fut un jour / où nous ayant vus chahuter à l’entrée en cours / avec ledit Ramsès pour le faire tinter comme au vent un carillon de bambou chinois /

    .

    le prof de sciences-nat qu’on avait surnommé Lagrenouille / nous apprit que les os de Ramsès avaient jadis appartenu à un être humain vivant / qui avait légué son squelette pour notre instruction / et méritait le respect

    .

    (C’est / dans les fastes efflorescents du crépuscule / un cliquetis / pareil aux pluies de criquets sur les sables / voire au piétinement crissant des pas de quelque Baron Samedi / que j’entends aujourd’hui comme jadis au désert / je l’entendis...)

     

     

     

     

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    L’insidieux désastre

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    Lourd et sombre le cap lévite

    sur la pâleur grise de la Méditerranée

    Entre les branches sans feuilles

    le ciel couvert de nuées grises

    inspecte lentement le littoral de sable noir

    comme s’ils enquêtait

    sur l’acide solitude qui ternit le paysage

    .

    Ne revenez pas ici mouettes blanches

    même les bataillons du ressac

    n’osent plus arborer leurs cimiers d’écume

    pour combattre la grève et ses timides graminées

    pour rejeter et reprendre et rejeter les détritus de plastique

    sacs bouteilles d’eau minérales flacons de crème solaire

    vieux pneus qui ont roulé jusqu’à en crever

    Ici est le monde tel que les humains

    l’ont désenchanté

     

     

     

    .

    Trois lignes crues

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    Du moins les choses sont-elles claires à présent

    L’humanité ne fera rien ni pour sauver

    la Terre ni pour se sauver elle-même…

     

     

     

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    Glaciation

    .

    Toi qui voulais à la façon

    du vent qui lustre le paysage

    rendre aux choses leur ancien orient

    .

    Les enrober d’aube irisée

    ainsi que l’huître qui nacre l’intrus

    irritant comme l’est quand

    on se promène tel petit caillou

    faufilé dans notre soulier

    .

    Toi qui pensait enrober de rêve

    tout cela qui n’avait encore jamais

    fait rêver personne

    et qu’on résume par « modernité »

    .

    voici que peu à peu à ton insu

    c’est la vie qui a fini par t’enrober

    de sa froide réalité

     

     

     

    .

    Le silence des oiseaux

    .

    Il existe des couleurs

    qui vous touchent d’une manière

    qu’on réussit rarement

    à partager avec quiconque

    par exemple mes yeux

    ont une prédilection

    pour le vert des jeunes poireaux

    pour le mauve passé de certaines

    roses trémières qu’on peut voir

    dans les vieux jardins de curés abandonnés

    ou encore pour le jaune dédoré des asters

    qui fanent au long des palissades argentées

    Les odeurs aussi sont impartageables

    le lavandin aspic la résine de pin les giroflées

    l’humus humide des sous-bois

    la coucoune orange qui sent la châtaigne crue

    la glaise des bords de ruisseau

    que le fenouil parfume

    ne sont pas les plus appréciées

    Quant aux chants des oiseaux

    jadis aimés de tous et en toute contrée

    ils se raréfient au point que peu de gens

    ont une idée de la symphonie

    de leurs cris oubliés

     

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  • La jalousie des « classes dangereuses »

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    Ce samedi à Paris est silencieux

    dans mon quartier Tôt ce matin

    la plupart des habitants sont partis

    pour le long week-end de Pâques

    Des casseurs fourbissent leurs projectiles

    Ils croient la république solide

    Ils n’aperçoivent même pas ce qu’ils ont à perdre

    comme des ados qui défient leurs parents

    et qui n’ont jamais une assez belle moto

    une assez belle voiture jamais assez d’argent

    pour récompenser leurs activités approximatives

    À moins qu’ils rêvent de casser l’État lui-même

    comme cela fut fait au temps de la prise

    de la Bastille (en laquelle il ne restait qu’un seul

    prisonnier fils d’aristo de surcroît et débauché)

    Tout ce qu’on détruit dans une société

    ne savent-ils pas que ce sont toujours les plus

    faibles qui le paieront – même si pour se soulager

    la foule en effervescence a coupé quelques têtes

    qu’elle estimait indécemment fortunées

    et ruiné à jamais quelques chefs-d’oeuvres

    que personne ne sera plus jamais capable d’égaler !

     

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