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PENSÉES FUGITIVES
Continuer à vivre
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Le fin mot de l'histoire
Ce n'est pas comme dans les romans policiers
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Et pourtant on espère toujours
Trouver une explication avant la fin
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Une infime chance d'apprendre pourquoi
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Mais comme tous les assassins
Dont les victimes sont mortes à petit feu
L'univers se tait
Juste une fumée et comme un rire moqueur
Au-delà des nébuleuses
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Soit - le mutisme absolu est de rigueur
Mais enfin - pourquoi
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Relativité
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Il épiait les gazouillis d'oiseaux
En nommait quelques uns quand il
Parvenait à les reconnaître
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Pendant ce temps les fanatiques aux regards étrangers
En clamant le nom de leur dieu
Poignardaient de jeunes soldats dans le dos
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Et de jolies mères attendries se penchaient
Sur le berceau de nouveaux-nés qui d'une main
minuscule essayaient de leur serrer le doigt
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C'est quoi - cet univers biface et coupant
Comme un silex taillé des premiers âges
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Un passé bientôt définitif pour l'un
Quelques siècles d'horreurs pour les autres
Et juste une poignée de millions d'années
Pour le soleil
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Clap de fin
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Ne croyez pas que j'aie aimé le monde
Je l'ai subi
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Je conviens du reste qu'il est bien naturel
Que cela ne vous fasse
Ni chaud ni froid
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L'illusion de l'empathie - juste
Une forme d'apitoiement sur soi-même
Qui se croit exempte d'égoïsme
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L'âme tendue les traits tirés
Les muscles du cou cordons saillants
Les yeux creux de fièvre
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Cap sur le large le plus sombre
Celui qui est d'un indigo presque noir
Le bleu-poison des eaux dont on ne revient pas
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Cimetière marin
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Ne pleure pas la barque revenue
Vide
Il ne voulait pas revenir
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Il se préférait mêlé aux vagues
de la mer azurée
qu'il portait déjà dans son sang
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Qu'un grand poisson dévore
Sa forme inanimée il imaginait cela
comme un bonheur
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Et cela ne changera rien à la ligne bleue
Des collines de Gassin où l'emmenait
Jadis son père
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Pour lui montrer le cimetière de la commune
Dont le terrain fut un cadeau de ses aïeux
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Congé
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Le vent qui déracine
Attise l'incendie au coeur pourpre
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Ne m'accompagnez pas Je naviguerai seul
Je n'ai pas l'esprit d'équipe comme on dit
(L'un se tape tout le boulot
Et tous recueillent les lauriers)
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La voix qui m'appelle est inaudible
Écho de celle du poème
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Ma voile hissée
Bientôt restera parfaitement blanche
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L'Immaculée Déception
Clochard
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Et qu'est-ce que tu fais toi demanda-t-il
Le visage couturé les cheveux visiblement
Peignés avec un clou
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La bouche du métro diffusait son air
chaud et vicié pour tenir en échec
L'air pur et glacé de l'hiver
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Moi je fais des poèmes J'ai montré
Le petit carnet avec les strophes noires
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Mon pauvre vieux éructa-t-il en me tendant
la bouteille Tu ferais mieux de mendier
Ça au moins ça nourrit son homme
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Dans ses yeux bleus délavés nul doute
Ce que j'ai lu était de la pitié
.
«Plus belle la vie»
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On l'a trouvée poignardée
dans un recoin tôlé des docks
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Une fille à marins sans doute a dit
Le légiste en examinant son corps
La morgue respirait une odeur blême
.
Son sang avait révélé un taux exagéré
D'alcool mêlé à l'héroïne
.
Elle en avait besoin sans doute a dit
Le légiste la pauvre fille
Pour faire son métier
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Humble et saint héroïsme obscur
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Sombre crépuscule
Du bord de l'eau songeur
Sur le sable il écrit
Chaque vague est une âme
Passion mystérieuse au cœur des fruits bleus
Nuits grêlées d'étoiles
Les lumières du port tremblent dans l'eau sale
Les filles remplissent de rires
La ruelle aux échos
Au bord du quai un ivrogne vomit
Sa vie en gros et en détails
«Marin à terre»
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Les galets pour compagnons
Sirène écoute la mer
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Entends les algues qui poussent
Dans le sommeil vert-bouteille
Des épaves englouties
.
Sirène écoute la mer
Obsédante dans le cœur
Du marin qui te désire
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