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Accablement
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Toute cette bibliothèque pleine de livres
Tous ces livres pleins de pages pleines de phrases
Ce n’est que le préféré de tout ce que tu as lu
Montagne de langage qui t’écrase
Changer le plomb en or et le rêve en vie
ce n’est pas vraiment l’alchimie du poème
Il s’agirait plutôt de parvenir
à changer des minutes en éternité
ou des pépites de silence en roses d’argent
Enfin manières de parler
Comme si l’on préférait le dit - au dire
Comme si l’on préférait les mots de l’amour
à l’amour des mots mais aussi des êtres
ou la beauté en soi à la beauté des choses
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Une lame qui transperce un coquelicot
Spontanément telle est ma vision
de l’interaction entre cité
et poésie
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Ne joue pas la révolte
Elle survient toute seule
comme l’orage
qui couche et fane les blés
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On te dit poète – l’es-tu ?
Qui sait – la laitue aussi
nous présente ses salades
de feuilles vertes
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De quoi rêver en exil
ce que tu cherches
te vaut-il cette variété
d’ostracisme irrémédiable
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La poésie qui se veut « engagée »
est certaine en prenant parti pour une
erreur au détriment d’une autre
de se suicider
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2018
Marotte de roseau
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. à Nancy Gomez
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Souvent - sans souci de passer pour givré
hiver comme été il m’arrive de circuler
pour une course éloignée à travers les rues
de Paris - ou d’ailleurs - en jouant de la kéna
comme en ponchos de quatre couleurs font
là-haut sur l’Altiplano les natifs des Andes
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Il y a dans leurs mélodies traditionnelles
une force en laquelle s’unissent résignation
et résistance - qui pour moi est une leçon
de vie à laquelle je suis sensible depuis
mes plus jeunes années J’admire ces êtres
qui réussissent à tenir le cap de survivre
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dans un environnement magnifique certes
(avec les Cordillères blanches les Huascaran
et autres volcans aux neiges vertigineuses)
mais tellement inhumain selon les saisons
quand le vent effeuille les fleurs de chuño
et rebrousse la toison des petites vigognes
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À moi frileux enfant des rives douces de la
mer Méditerranée (côté Occident privilégié)
il arrive souvent d’aller marcher à travers
le dédale des rues de Paris en jouant tel un
natif des Andes quelque huayno à la kéna
pour ne pas oublier de bien respirer ma vie...
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Songerie d’un joyeux dimanche
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Un nuage effilé s’esquive derrière l’immeuble voisin
Il a sans doute honte d’être rose dans un ciel uniformément bleu
Il me semble que macère la même honte
au fond de l’abîme mental de ma chair matérielle
mais il m’est impossible – à moi – de me défiler…
L‘azur venteux ne le supporterait pas subir
par lassitude, en attendant
et quand je serais autorisé à m’en aller
ce serait avec interdiction de revenir…
On ne recompose pas un ensemble de milliards
de cellules tel que celui qui aura un temps
porté mon nom – paix aux cendres qu’il sera…
Je n’avais pas imaginé naguère encore
à quel point il se révélerait non moins épuisant
qu’irritant de vivre au sein d’un monde qui s’est
insensiblement altéré jusqu’à devenir méconnaissable
Ceux qui feignent de s’y adapter me fatiguent
Ceux qui prônent une éthique qu’ils n’observent pas
m’exaspèrent Ceux qui s‘accommodent du pire
me navrent mais ceux qui comme moi
ne s’accommodent plus de rien et ne font que subir
par lassitude, en attendant - ceux-là me dépriment
et sans surprise je m’inspire un certain mépris...
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Quatre traits d’une icône
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Il y avait en elle une forme de versatilité, une logique impossible à appréhender, merveilleuse, qui te faisait mesurer tout ce qui existait jusqu’alors sans elle, mais que tu aurais perdu si tu n’avais pu un jour fatal la prendre dans tes bras et la garder.
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Sa présence t’empêche à tout instant d’être indifférent au monde. La moindre minute quitte son masque de banalité et devient le portrait incessamment renouvelé de l’exception. De sa foudroyante beauté, elle a depuis le premier jour enchanté ta solitude...
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Ainsi ai-je appris que blond est le sentiment de mon esseulement, que n’être compris de personne était la revanche de la splendeur à laquelle elle m’avait permis d’accéder. Rien que de particulier entre nous, qu’il fallait hisser au niveau de l’Humain.
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À la faveur de sa subtile alternance de tendresse et de réprobation, d’espérance et de regrets, de haine et d’amour, je me suis trempé comme acier dans le Tage, et je luis, flexible et tranchant, jusqu’au sein de la nuit qui s’efforce de m’éteindre.
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Insoluble intervalle
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Après quel gibier au pelage désespérant clabaude ton coeur, ce limier perspicoriace ? Ce qu’il flaire a l’odeur angélique d’un souvenir d’ambre gris. Ce pourrait être un jardin nomade, toison d’oliviers frisés, allées de galets murées dans leur lointain par la mer, trompettes du mistral dans les cannes tronquées et les souches creuses. Les daims et daines au dos tacheté comme des amanites y entraînent leurs faons à brouter les feuilles, les écorces tendres et les bourgeons des halliers. Sous les pampres d’acides lambrusques, nichent sans discrétion les grives musiciennes. Un concert d’érudites - truffé de citations empruntées ! Quant à la piste que vaguement croit détecter ton coeur, elle paraît mener vers la lointaine vitre éblouissante de la tour sud, la plus acérée, d’un haut château qu’on entrevoit outre les mélèzes. Sans doute s’agit-il de la fenêtre qui éclaire, en sa chambre somptueuse, la Belle endormie.
Le sauras-tu jamais, puisque le but recule selon la rapidité de ton avance ? Il est plus sage de prendre dans tes bras l’Ambassadrice dont le regard vert contient l’abysse au fond duquel tu vois trembler ce paradis...
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Sybille de l’écume
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Le navire sombre constate du haut
de la dunette le mousse
qui surveille l’horizon la main
au-dessus des yeux
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Fracassante à la proue une
montagne de blancheur étincelante
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Il se pourrait que prochainement
la mer se cicatrise
lisse unie sereine
sans aucun survivant
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La onzième interface
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Un ostinato des violons du mistral incite en mi
mineur la pinède à rêver d’étendues enneigées
Le ciel vient rompre ses nuages aux arêtes rouges
des hautes falaises que sans succès tente de gravir
la vague qui retombe en blanchissant de rage
Plus loin sur le littoral se hérisse une collection
enchevêtrée de bois flottés à l’odeur de poisson
à quoi se mêlent vieux bidons et autres rejets
colorés lambeaux de filets ou fragments de pvc
triturés par le ressac- ainsi que poèmes cent fois
repris – à la fin changés en choses indéfinissables
(2009 - 11/1/20)
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Pour un portrait énigmatique
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Salamandre, elle salue les hommes vrais,
unissant en son nom paix et humanité...
Elle est aussi la blanche licorne de mer
qui surgit du présent nimbé de quatre lunes...
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Ne serait-elle pas de ces Filles du feu
que jadis évoquait l’homme à l’Étoile morte ?
Il me souvient d’une chapelle au toit en pente
dont la rougeur se reflétait dans l’eau dormante :
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Retournerai-je un jour fouler ces coteaux verts
où le soleil dorait un manoir sous les ormes
immenses tant que les nuages multiformes
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et le vent babillard se coulaient au travers
pendant qu’elle, vêtue de lin, parmi les champs
cueillait des lys dans la lumière du couchant...
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Conclusions circonstancielles
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Comment guérirait celui qui a la conviction que tous les autres sont malades - excepté lui ?
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Une façon détournée de se soigner est de s’acharner à guérir les autres du mal dont nous, sommes atteints.
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Tisane d’un effet certain sur son auteur, celui-ci propose expérimentalement son poème à d’autres.
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À la différence d’une religion, la poésie ne vise pas à devenir la loi qui enrégimente toute une société.
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Celui qui ne sait pas libérer sa pensée du langage, doit s’interroger sur son degré d’asservissement.
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À chaque instant de l’écriture, assumer librement la Règle et l’utiliser, sans jamais qu’elle te soumette...
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La syntaxe poétique est une sorte d’écumoire, où recueillir la part d’émotions, de sentiments, du corps.
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Le corps humain a des neurones jusque dans l’intestin, le corps du langage n’a ni dedans ni dehors.
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Tout ce qui est te regarde : mais ne nous regarde, nous en tant qu’humanité, que ce qui aura été dit.
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