• Une brise douce...

     

     

    Jeu de questions en suspens

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    L'oiseau joli du matin ne vient plus chanter. Demain sera le 15 août. Je ne parviens guère désormais à être léger. J'aperçois sur toutes choses une ombre tragique. Les ailes noires d'un corvidé de funeste présage, probablement ?

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    Il y a un trait pathétique et futile du caractère des hommes : ce besoin de reconnaissance par la collectivité, auquel jusqu’aux alentours du XX ème siècle avaient échappé les femmes. L’enfantement n'aurait-il plus la cote ?

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    J'ai toujours été frappé par la gaieté et le sens de la fête chez les populations pauvres, et par la mélancolie et l'humeur généralement sombre des peuples à standing supérieur. Est-on plus heureux lorsqu’on n'a rien à perdre ?

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    Comment oser tenter d'inviter les gens à l'optimisme et à la joie, sans avoir le sentiment que nos oeuvres, d'art ou de lettres, sont une forme d'escroquerie, parce qu'on tente de d’enchanter le réel grâce à la chatoyance de l'illusion ?

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    En regardant un documentaire sur les batraciens (mais cela vaut pour tout ce qui vit), détaillant en particulier la complexe ingéniosité qu'ils emploient à protéger leur progéniture, comment croire que l'intelligence soit née du hasard ?

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    Y a-t-il une intelligence transmissible avec sa programmation - on dit l'instinct - et une autre sans programmation précise hormis celle, assez succincte, du “bios”, et qui attend de son environnement les impératifs de son enrichissement ?

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    Soit dit brièvement, en passant...

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    La poésie est palimpseste, alluvions et allusions chiffrées dans la réalité plus ou moins artificielle des nombres, qui arment son langage aussi bien que notre échafaudage des lois de l’Univers.

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    La différence entre se dire “poète”, se croire poète, et l’être, c’est la différence entre qui n’a pas renoncé aux vanités de la Cité, et qui s’est exilé, ostracisé ou non par les siens, dans les purs espaces de sa langue maternelle.

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    La Beauté n’est ni sociale, ni sociable. Elle ne dépend ni des modes ni des subjectivités. Elle oriente, comme l’étoile du pôle coïncide avec ce qui aimante la boussole, tout ce qui dans les sentiments humains est plus ou moins réceptif au Sens.

     

     

     

     

     

     

    Une brise douce

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    Une brise douce descend des pentes bleues du matin. Elle éveille les plantes et brasse leurs odeurs femelles pour un résultat qui ne sent pas la rose. On entend sur fond de rumeur lointaine d'autoroute le tektektek rapide d'un pic épeiche qui sonde méthodiquement l’écorce de chaque tronc.

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    Insolite chose que d'être en vie, d'entendre couiner dans le touffu des haies diverses vies indéfinissables. De lever les yeux sur toute cette beauté solaire extérieure à nous, et dont on sent bien qu'elle se perpétuerait quand bien même aucun humain ne serait là pour la voir.

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    Au demeurant, elle est si présente, si environnante, si familière, que la plupart pour s'y être habitués depuis leur naissance ont cessé de la reconnaître, comme le type qui lit son journal au petit déjeuner sans plus considérer, face à lui, quelle aimante merveille accompagne sa vie.

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    Il semble qu'une averse ait arrosé les herbes au cours de la nuit. Il reste des flaques alourdissant les poches du dais qui surplombe la balancelle. Un chien tourne dans l’enclos voisin, hurlant sans fin son désarroi de constater l’absence de ses dieux.

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    Me plaît surtout le tilleul svelte aux petites écailles vertes. On dirait que pour fêter ses dix ans, il a pris son air neuf, vert lustré, telle une jeune sirène qui vient de laisser derrière elle la transparence des vagues, rejetée comme une chlamyde nuisant à sa vénusté.

     

     

     

    Jours de relâche et de vérité

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    À l'écart des rumeurs et de l'agitation, observer les végétaux aux larges langues vertes laper les flaques de soleil, ah quelle reposante occupation !

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    Ce sont de ces moments où la Nature plaide pour elle-même. Une vitale splendeur oubliée des habitants des mégapoles, qui croient les oeufs pondus par les heures du jour en boîtes de six et douze.

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    Bien sûr, il y a les roses volées aux rosiers, les giroflées aux girofliers, et le sortilège de leur parfum millénaire. Il y a la beauté lumineuse de la lune d’Isfahan et la cendre d’argent qu’elle a répandue sur la ville.

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    Il y a l’étrange passion d’aimer, souvent trop tard, les êtres agissants et les réalités passives. La reconnaissance d’infimes détails. Ouïr le pépiement d’oisillons nichés dans un olivier. Tenir dans sa main la petite main d’Ezra qui veut vous montrer quelque chose. Sentir sur sa joue en s’endormant le baiser léger d'un papillon de nuit...



     

     

     

     

     

     

    J’imagine Ezra à la plage

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    Taches de soleil aux accoudoirs

    des fauteuils en osier

    Ne dirait-on pas que l’ombre de la véranda

    transpire de lumière

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    Dans l’air une ambiance azurée

    concorde avec le ton de mes pensées

    J’imagine Ezra qui d’un saut d’angelot

    plonge dans l’eau salée de Méditerranée

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    Ciel bleu mer bleue mosaïque de galets

    Une brise douce rebrousse les écumes

    à la crête des vaguelettes qui ramènent

    nos regards embués d’horizons infinis

     

     

     

     

    Péripétie

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    Qui en cette tiède nuit d'août
    s'étonnerait d'entendre chuchoter
    les fleurs du laurier entre elles
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    Un clocher survivant lâche dans le lointain
    comme gouttes d'argent fondu sur le pavé
    les douze étoiles sonores de la minuit
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    Par l’oreille l'âme du dormeur s'en illumine
    Un songe de sylphe et de fées déroule
    sa guirlande illustrée comme la Siagne
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    Le sourire de sa défunte mère survole
    l'espace de son esprit tel un clair de lune
    Puis se dissipe au sein d'une noire inconscience
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    (Pour que finalement tout soit noyé
    sous le ressac respiratoire du sommeil)

     

     

     

     

     

     

    Mosquitissima hora
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    Par la trouée entre les cèdres et les pins
    on aperçoit la nappe d'un bleu de rêve
    que chacun ici appelle la mer
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    Côté aube et soleil les cigales ont commencé
    leurs tzi tzi tzi tzi d'abord deux puis trois puis sept puis dix puis cent
    ostinato jusqu'à ce que l'endroit soit assiégé et capitule
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    Les oiseaux qui se croyaient les seuls ménestrel de l'aurore
    se taisent en volant vers l'épaisseur des frondaisons
    pour aller docilement lisser le plumage de l'ombre

    Quant aux autochtones ils rentrent se mettre à l'abri
    car c'est l'heure où s'élève des herbes la nuée ponctuelle des moustiques
    comme un temporaire mais cuisant avant-goût de l'enfer !

     

     

     

     

    Truismes sans poésie

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    Finalement qu'il est difficile

    En tant qu’humain de ne pas

    Recommencer sans cesse

    Les mêmes erreurs ainsi

    Que des êtres immémoriaux

    Dont la mémoire à chaque

    Génération est analogue

    À une pâte vierge face à quoi

    L'apprenti boulanger ne sait

    Pas trop comment s'y prendre

    Adulte on se rêve en parents

    Aussi performants que possible

    Malgré les aléas et les fardeaux

    Rarement positifs de l'existence

    Et voici qu'à la fin quoi qu'on ait fait

    Une somme fantastique de hasards

    Oriente le destin de ceux qu'on aime

    Et qu'on s’était efforcé d’engager

    Sur une voie où s’offrirait à eux

    Un large éventail de chances

    D'être plus heureux que nous !

     

     

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