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    Le Dé céleste

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    Occupe-toi de mon corps – dit l’amante

    espérant contre le hasard des étoiles

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    Et comme feuille morte cherche le vent dans la nuit

    la main docile de l’amant s’obstine

    Peut-être fera-t-elle éclore l’iris violet du sommeil

    dans la nuit ou encore un coquelicot défroissé de son bouton

    dans la nuit lueurs persistant sous nos paupières closes

    alors que doigts aveugles peignent l’ondoiement

    de crinières obscures

    pour une senteur de fougère et d’invisible forêt

    .

    Demain sera toujours octobre pourpre et feu la vigne vierge

    au jardin et les pins d’un sombre vert

    Deux corbeaux se querelleront au faîte du bouleau

    et trois commères sous un porche abrité de l’averse

    qu’un rayon tombé d’une éclaircie traverse

    Demain sera ce que notre cœur en fera

    tandis que sous le cuir de la vareuse il se crispe

    de l’appréhension propre aux interdits de séjour

    .

    Le bruit du vent charrie des relents de bataille

    Des éclairs de baïonnettes fauchent la verdeur des fontaines

    De petits enfants mains dans la main s’avancent en rangs sages

    sous les regards micacés d’institutrices à lunettes

    Peut-être vont-ils à la piscine municipale ou au zoo

    Ils ne savent rien encore du climat qui se dégrade

    ni des dangers qui s’accroissent terriblement

    et menacent désormais toutes les formes de la vie

    .

    Cependant qu’espérant contre le hasard des étoiles

    l’amante dit : occupe-toi de mon corps !

     

     

     

     

     

     

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    Nout

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    Étoiles dans l'éther obscur oscillant sur leurs vertiges          

    tels des dahlias inclinés sur leurs vertes tiges

    Qui vous cueillera inaccessibles méditations solaires

    À la fenêtre ne fermons pas les volets Attendons

    la visite de l'immense dame à la traîne couleur d'ébène

    avec ses yeux étirés et ses cornes de vache divine

    Celle qui gobe le feu du jour puis le ressuscite

    .

    Ce rayon que tu reçois te vient du fond de l'univers

    Il est parti du vaste corps lacté depuis des milliers

    d'années Peut-être au temps où les aïeux de tes aïeux

    dans l'âcre lueur d'un caleil plein de graisse de renne

    dessinaient sur les parois magiques les animaux rupestres

    des constellations et balbutiaient leurs premières phrases

    après avoir découvert ce qu'est le crime et la mort

    .

    En scrutant l'univers que la nuit illimite

    ressurgit dans ton esprit la vieille question jamais résolue

    du temps qu'enfant maladif durant tes insomnies

    tu contemplais l'insensible voyage de la lune et des astres

    en te demandant si pareilles aux petites flammes 

    des bougies en procession lors des veillées de Noël

    les âmes migraient de la même façon à travers l'Univers

    que le pollen lumineux des myriades galactiques

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    dont l'arche laiteuse enjambant de l'un à l'autre infini le noir

    effroi du firmament y suscite la vision d'un corps mystique

     

     

     

     

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    L'Inachevé défi

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    Comme j'ignorais que tu n'existais pas 

    je t'ai mentalement donné rendez-vous

    et j'ai attendu

    .

    Un défilé prodigieux de mirages m'a choisi

    pour spectateur 

    Une caravane de vieilles lunes dans mon désert

    .

    Mes mains se sentaient creuses Des coupes

    de terre sans huile ni mèche ni flamme

    J'ai tracé des phrases charbonneuses sur des murs de papier

    .

    Du même élan qui faisait dessiner tigres et bouquetins

    aux initiés de Lascaux ou de Chauvet

    Mais sans leur instinct Sans leur talent inné

    .

    Injecter dans les mots de tous la musique des sources

    babillant sous le cresson d'amour

    en me berçant de l'illusion qu'est possible la perfection

    .

    Telle aura été ma vie Demain je pleurerai le vent et le soleil

    Un simple rendez-vous sera pétrifié dans son absence

    Un mont de granit pèsera sur ma poitrine et broiera mes os.

     

     

    .

    Hypnoctobre

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    Le bec enfoui dans la plume de son épaule

    l'oiseau d'Athéna me toise d'un regard ensommeillé

    du haut d'un rameau d'if qui suplombe l'étang

    sur lequel ondulent de lourds nuages violacés

    .

    Et si le présent se ramifiait en milliers de possibles

    que l'imagination fait miroiter à notre esprit

    entretissant orages lisses et chaîne d'envies 

    en un unique Irrémédiable Et s'il existait

    .

    vraiment pour chacun un destin ? Il est dix heures

    La lumière d'octobre se coule sous les buis  

    Des feuilles mortes sur la plaine s'élève un relent

    d'années passées La chouette s'est rendormie

     

     

     

     

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    Ce n'est pas la pauvreté

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    Ce n'est pas la pauvreté qui nous touche, c'est le mépris 

    la morgue inconsciente des journalistes ; des politiciens

    qui plaident soi-disant en notre faveur mais, de nous,

    disent : « Ces gens-là ! » Nous les indistincts, nous les

    sans-dents dont les rois de la Cité se moquent sous cape

    en riant avec la maîtresse qu'ils vont répudier demain !

    .

    Car pour eux nous sommes les ratés, les non-parvenus,

    les fautifs de n'avoir pas su prendre le bon chemin,

    les insuffisants, les mal-nés, les infirmes du choix,

    ceux qu'embobine la plus banale propagande télévisée,

    ceux qu'asservit leur crédulité, leur goût de l'espoir

    facile, ceux qui n'ont que de modestes rêves, un logis,

    .

    un bel enfant qui rit, un travail suffisant pour nourrir

    chaque être aimé vivant à leur côté, une femme douce

    au charme paisible et dénué de trahisons, ceux qui

    ne demandent rien d'autre qu'un lit frais où les attend

    un sommeil sans angoisse, après quelques caresses

    entérinant entre primates humains la dignité de l'amour.

     

     

    (2004/2015)

     

     

     

     

     

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    Crise poétique

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    Une idée de la poésie, si jadis je m'en suis faite une,

    son unique principe aurait été de ne rechigner devant

    rien – de parler de toute la diversité qui m'occupe l'esprit.

    Hétéroclites certes, les écrits dont on peut m'accuser

    d'être scribe sont loin d'avoir, hélas, recensé le chaos. 

    .

    En quelques casiers de vers – d'aucuns disent strophes -

    j'ai gardé l'habitude rituelle de ranger mes impressions.

    Telles de vieilles missives poste-restante, en souffrance.

    Qui viendra les chercher ? Nul ne sait. Probablement 

    personne ! Les postiers l'un après l'autre disparaissent.

    .

    Ils ne sont pas remplacés : la faute, bien sûr, à la Crise.

    La Crise depuis si longtemps commencée ! La Crise

    qui déjà était en germe lorsque la première étincelle

    d'intelligence a crépité sous le front obtus de quelque 

    protopithèque au crâne prognathe et regard opaque.

     

     

     

     

     

     

     

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    « Poèmes extraits d'un tiroir oublié »

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